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Changement climatique

Au colloque « Eau et changement climatique » (Lyon, 15 novembre 2018), le ministre de Rugy et les présidents de comités de bassin.

                      ADAPTATION, ACCOMMODATION, AGGRAVATION 

photo de Josselin de Lespinay

La Directive-cadre sur l’eau nous impose de restaurer les milieux dégradés et de parvenir au « bon état ». En matière de changement climatique dans le domaine de l’eau, il convient tout d’abord de définir ce que l’on entend par « adaptation ». Quelle signification donner à « s’adapter » – dans le sens de ‘’tenir compte’’ – sachant que le modèle que nous pouvons choisir peut aggraver le phénomène auquel il prétend faire face ? Dans ce cas c’est seulement « s’accommoder », sans que l’on sache ce qui doit réellement s’adapter, si ce sont les activités humaines ou bien… le climat.

On ne peut plus recourir à l’utilisation massive d’énergies fossiles dans des systèmes de production qui génèrent des GES par une mécanisation intense et l’utilisation de produits nécessitant de longs transports, et dont la fabrication comme la distribution sont eux-mêmes fortement consommateurs d’énergie dès lors qu’ils sont liés à un marché mondialisé. Bien sûr ce système de production génère des emplois et ‘’crée de la richesse’’, essentiellement pour ceux qui ont à fabriquer, non pas tant le produit brut, que tout ce qui l’entoure en amont et en aval de sa production.

Pour l’agriculture, la non-adaptation concerne la mécanisation, les intrants et la chimie, et les sociétés plus ou moins coopératives qui prennent en charge le produit fini puis le distribuent. La rémunération de ceux qui produisent réellement est à l’heure actuelle soumise à des contraintes financières sur lesquelles les agriculteurs n’ont pas ou peu de prise. Le secteur à la base de la production – l’agriculteur – est moins important économiquement que celui de l’agro-business. Cela apparaît jusqu’à la caricature dans la différence entre la rémunération d’une majorité d’agriculteurs et celle des secteurs qui les entourent pour leur ‘’vendre’’ ou pour leur ‘’prendre’’ et proposer le produit fini au consommateur à un prix fort éloigné de la rémunération du producteur.

Gestion quantitative et qualitative

On ne peut séparer la gestion quantitative de la ressource des impacts sur la qualité de l’eau que cette gestion peut avoir par ailleurs.  Avant toute chose il faut se poser la question, non des moyens, mais des buts.

Ruisseau du Gouhouron (nov 2018)

Séparer la gestion quantitative de ses conséquences au niveau de la qualité de l’eau apparaît comme contre-productif, une ruse de l’esprit. En effet les décisions prises pour l’adaptation au changement climatique peuvent aggraver la situation qualitative de nombreuses masses d’eau.

Créer des retenues donne l’illusion de l’abondance

Parmi les solutions envisagées, on évoque régulièrement la création de ‘’réserves’’. Mais on doit alors relier les demandes aux moyens employés, aux buts poursuivis et aux conséquences en termes de qualité des eaux. Sans compter que, fondamentalement, on ne « crée » pas de la ressource en eau : on la prend, que ce soit au milieu ou à d’autres activités. On pourrait penser que retenir l’eau lorsqu’elle est en abondance – quand elle l’est et si elle l’est – pour l’utiliser en période de pénurie ou de stress hydrique est une solution de bon sens. Mais outre que le grand cycle de l’eau est complexe, la logique de ce modèle a des effets pervers. Il a été   mené à son terme dans différents pays, et pour ne citer qu’un exemple, un gros fleuve comme le Colorado n’arrive même plus jusqu’à la mer. Créer des retenues donne l’illusion de l’abondance, et incite au gaspillage en toute bonne conscience.

Retenues de substitution

Il existe différents types de retenues, et parmi elles on a pu croire que les retenues dites ‘’de substitution’’, représenteraient un progrès en matière d’irrigation agricole. Il s’agit en effet de remplacer un prélèvement en période estivale par un prélèvement hivernal stocké dans les évaporateurs à ciel ouvert que sont ces retenues, prélèvement effectué à un niveau théoriquement inférieur quantitativement au prélèvement estival et sans se demander pourquoi les réserves naturelles sont gravement déficitaires. Les volumes prélevables calculés, et soumis à d’âpres discussions, le sont par rapport à la situation hydrique moyenne actuelle et en ce sens ils ne tiennent aucun compte des futurs effets de raréfaction de la ressource liés au changement climatique. Outre que le protocole de création et d’exploitation de ces retenues est facilement détourné, son application revient à pérenniser un mode de production intensive, quand il ne crée pas de nouveaux secteurs irrigués. De plus l’agriculture intensive diminue considérablement la capacité naturelle de rétention et de transfert de l’eau de ruissellement vers les aquifères, en détruisant par l’utilisation de pesticides la microfaune qui les aère les sols, les transformant en  »toile cirée » et augmentant les phénomènes d’érosion.

retenue collinaire en haute Garonne ( nov 2018)

Même si ces réserves peuvent être très fortement ‘’aidées’’ par les agences de l’eau depuis que ces financements leur ont été imposés, leur coût reste élevé pour les irrigants, les contraignant à des rendements maximisés et donc au recours à toujours plus d’intrants et de pesticides.

Il s’agit donc typiquement d’une vraie fausse-solution, d’une « mal-adaptation ». Il convient désormais, non plus d’adapter aux pratiques agricoles actuelles les nouvelles conditions liées au changement climatique, mais bien de changer ces pratiques, car on ne peut à la fois lutter contre les pollutions et pérenniser, voire encourager les systèmes de production qui les génèrent.

voir aussi Canicules et sécheresses , le cas de la Loue de Jean Piere Hérold.

Georges Pompidou déclara au début des années 1970 : « On n’arrêtera pas le Progrès, et c’est à l’environnement de s’adapter au Progrès ». Presque cinquante ans plus tard il est de bon ton de sourire de cette déclaration, mais dans la réalité en-dehors des discours et des promesses il y a toujours un ‘’e’’ minuscule à ‘’environnement’’, et un P majuscule à ce que ce que certains acteurs économiques nomment abusivement ‘’progrès’’.

Josselin de Lespinay pour ANPER-TOS