Quinze années séparent le dernier numéro de la revue TOS et celui de qui va sortir des presses de l’imprimeur dans quelques jours. C’est le retour de la revue rebaptisée ANPER TOS qui sera pour l’occasion entièrement retravaillée.
Le dernier numéro datait de 2008 et portait le numéro 207, il avait été rédigé en collaboration avec le WWF France.
Depuis quelques années nous remontons enfin la pente et ANPER-TOS retrouve toute sa place. Nos échanges redeviennent réguliers avec nos autorités de tutelle et nos actions se multiplient dans tous les domaines. C’est le but de cette revue que de vous les présenter. Elle est un outil de présentation de nos actions envers nos membres mais aussi de communication externe pour celles et ceux qui ne nous connaissent pas encore. Cette revue annuelle retrace l’ensemble de nos actions pour cette année 2022 qui s’achève.
La revue sera disponible à la vente au tarif de 8 euros et de 5 euros pour les adhérents d’ici quelques jours. Celles et ceux d’entre vous qui ont participé au financement participatif lancé en décembre dernier se verront adresser gratuitement la revue. Encore merci à toutes et à tous.
C’était l’occasion d’une matelote, ou mieux d’une pôchouse : récompense gastronomique d’un plat emblématique de Verdun sur le Doubs. Ce plat réunit l’anguille et la tanche deux poissons gras avec le brochet et la perche deux poissons à chair maigre. On peut y ajouter de la carpe, mais tous présentés en morceaux charnus découpés et cuits dans une sauce au vin du Jura. Il y a fort longtemps, c’était le menu des pêcheurs (les pôcheurs ) et des radeliers qui descendaient les radeaux de bois des forêts jurassiennes vers Lyon pour la charpente et la menuiserie.
En Franche Comté, jusque dans les années 1950, les pêcheurs amateurs qui pratiquaient dans le Doubs et la Saône capturaient des anguilles de façon régulière.
Photo provenant du site de DORIS réf. Biblio. N°2 JP Hérold, co-auteur des fiches spécifiques.
Une méthode de pêche consistait à poser au fond de la rivière un appât, gros ver ou petit poisson mort, au crépuscule, sachant que l’anguille est lucifuge et active la nuit.
Il fallait patience, persévérance et connaissance des sites fréquentés par cette espèce pour capturer quelques beaux spécimens pouvant dépasser un mètre de long.
Cinquante ans plus tard : plus d’anguilles dans nos rivières !
L’espèce est même inscrite sur la liste rouge de l’UICN, Union internationale pour la conservation de la nature, dans la catégorie « en danger critique d’extinction «
Alors, pourquoi ? Que s’est-il passé ?
Une des raisons de ce déclin réside dans la fermeture des voies de migrations.
En effet l’anguille est un migrateur amphihalin thalassotoque ! en clair : la reproduction se déroule en mer et sa croissance en eau douce, donc d’un milieu à l’autre elle se déplace de la mer des Sargasses, site probable de ponte, vers les côtes de l’Europe soit atlantique , soit méditerranéenne .
Pour arriver en Franche Comté elle remontait le Rhône ; mais à présent la route est coupée par des barrages gigantesques comme celui de Donzère-Mondragon : construit en 1952, il est infranchissable !
Sur les sites de la façade atlantique les barrages de filets aux embouchures des fleuves et les pêches des alevins en migration, les civelles, sont pour des pêcheurs plus ou moins professionnels de revenus notables. Le kilogramme de civelle est vendu une petite fortune, près de 1000 euros à des restaurateurs du sud-ouest et aussi de l’Espagne.
Un plat traditionnel, nous dit-on, mais qui provoque la chute des populations : autant de juvéniles qui ne se déplaceront plus vers les rivières, les étangs et les marais de l’Hexagone pour y prospérer pendant dix à quinze ans.
Donc dans les zones humides et les rivières de l’est de la France : plus d’anguilles !
Reste le marais poitevin ou l’étang de Thau où la pêche est encore pratiquée ….
Or le sujet principal de la récente réunion des ministres européens de la pêche à Bruxelles portait sur le devenir de l’anguille européenne (Anguilla anguilla, Linnaeus, 1758).
Et malgré la proposition des ONG qui demandaient de cesser complètement la pêche, demande relayée par la Commission européenne, la décision est tombée le 13 décembre 2022 au petit matin, après deux jours et une nuit de négociation : le communiqué de presse ministériel précise :
« Le secrétariat d’Etat à la mer s’est opposé aux solutions proposées par la Commission européenne, même s’il partage le constat des scientifiques sur l’état très dégradé des populations d’anguilles »
Il accepte donc de maintenir une activité de pêche adaptée à chaque bassin.
Pour les ONG et les scientifiques les dérogations obtenues viennent annihiler toute protection. Or en 50 ans l’espèce a connu un véritable effondrement avec une baisse de 95% de ses populations. Sans mesures plus strictes leur sort pourrait être scellé.
Fini la pôchouse, adieu l’anguille, foin de la biodiversité !
Qu’en dit la COP 15 réunie à Montréal (Canada) en ce mois de décembre 2022, d’autres sujets encore plus urgents sont à l’ordre du jour, les discussions s’éternisent sur la protection des milieux, et donc la biodiversité attendra ! Même si tout est lié !
JP Hérold, biologiste.
Des références :
Les Poissons d’eau douce de France. 2011, P. Keith, H. Persat, E.Feunteun, J. Allardi. Publication du Museum d’Histoire Naturelle de Paris, Biotope Edition. 552p.
La vie en eau douce 2012. JP. Corolla, M. Kupfer, G. Rochefort, S. Sohier, DORIS, Edition Neptune Plongée, 415p.
Pour une vidange sauvage de barrage hydroélectrique en 2015, ayant entraîné une pollution mortelle pour la faune et la flore, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a condamné la société Soprolec ce 29 novembre dernier à une amende de 40 000 euros. L’association ANPER-TOS était partie civile aux côtés d’autres associations de protection de l’environnement. Le tribunal a reconnu le préjudice écologique subit par l’environnement, et le préjudice moral des associations. La reconnaissance du préjudice écologique est une conclusion satisfaisante pour une affaire emblématique des problèmes de vidange de barrage.
Le préjudice écologique reconnu face à la gravité de la pollution.
La société Soprolec a été condamnée par le tribunal à verser 15 000 euros à ANPER-TOS au titre du préjudice écologique.
En effet, suite à la vidange du barrage de la Bourboule (63), une quantité estimée de 52 000 tonnes de boue et de sédiments se sont déversés dans la Dordogne, entraînant une variation de niveau d’eau entre 20 et 40 cm. La conséquence de ce déversement peut être qualifiée de catastrophe écologique : anéantissement total des espèces aquatiques, et destruction de l’intégralité de la biodiversité sur un linéaire de 20 kilomètres.
Les analyses de l’expertise de l’enquête avaient révélé le caractère extrêmement acide des sédiments normalement retenus par le barrage, faisant chuter la teneur en oxygène dans l’eau.
La mauvaise maintenance du barrage était en cause, notamment au regard du fait, soulevé par l’expert, que la fermeture complète de la vanne de fond était empêchée par la présence ancienne de sédiments (bois et pierres), constituant une sorte de bouchon. Il s’agissait donc d’une négligence de la société Soprolec, qui de plus n’avait jamais procédé aux vidanges partielles régulières du barrage, nécessaires pour éviter ce genre de phénomène.
L’association ANPER-TOS agit contre les conséquences écologiques de vidanges de barrage non-conformes. Tel est le cas par exemple, pour la vidange du barrage de Poutès (43) en 2019, par EDF, ayant causé une pollution importante de la rivière Allier. Sur 15km, la rivière avait été colmatée par d’importants volumes de sables et de boues, détruisant des frayères, et polluant un milieu aquatique riche et unique. Il en est de même pour la vidange du barrage de Pont-Baldy (05), en avril dernier, ayant entraîné une baisse drastique du taux d’oxygène dans l’eau, provoquant une mortalité aquatique importante (poissons, macro-invertébrés, plantes aquatiques…).
ANPER-TOS soutient la prise en compte des intérêts environnementaux dans les vidanges de barrages, dont l’instauration et l’obligation de mesures de précaution lors de telles opérations.
Une réflexion s’impose sur la périodicité des vidanges, car des vidanges plus régulières permettraient dans certains cas, d’éviter la trop grande accumulation de sédiments.
Ces vidanges doivent tenir compte des périodes de migration de certains poissons, pour ne pas perturber la dévalaison mais également la reproduction des espèces. Ainsi que du débit de l’eau, trop faible en été, mais plus important en hiver ce qui permet une meilleure dilution des charges sédimentaires.
Dans le cas où il est trop tard pour effectuer une vidange sans risquer de catastrophe écologique, il faut alors opter pour vider lentement la retenue, curer les sédiments et trouver une solution d’évacuation, par l’épandage ou le stockage.