Le 9 février 2023 a eu lieu le démantèlement d’un vivier clandestin de conditionnement des civelles destinées au marché asiatique dans le Val-de-Marne. Les services douaniers ont découvert une quarantaine de valises, du matériel de pesée, des pochons transparents pour le transport d’animaux vivants, un congélateur avec des bouteilles d’eau glacée, sept sacs de 25 kg de sel et surtout, plus de 300 kilos d’alevins de l’anguille d’Europe. Cela représente près du double de la marchandise saisie par la douane française en 2024 (154 kg).
L’enquête a conduit en avril 2024, les autorités judiciaires jusqu’au Sénégal, découvrant un entrepôt à Dakar.
Les 13 personnes impliquées dans ce réseau international ont été jugées les 3 et 4 avril 2025 par le Tribunal correctionnel de Créteil pour leur appartenance présumée à ce trafic international de civelles.
Le délibéré du jugement en date du 10 avril 2025 est sans précédent. Sur les 13 personnes soupçonnées, 8 personnes ont été condamnées à des peines allant jusqu’à cinq ans de prison ferme. Elles ont été reconnues coupables d’avoir participé à un réseau de trafic de civelles.
Il ne reste plus qu’à attendre le 18 septembre 2025, date à laquelle se tiendra l’audience sur les intérêts civils. L’ANPER-TOS s’est portée partie civile afin d’obtenir réparation du préjudice subi, de tels agissements portant directement atteinte à son objet social : « L’ANPER-TOS a pour but premier de contribuer à la protection, à la conservation de l’eau et à l’ensemble de la biodiversité des milieux aquatiques et de leurs habitats et de lutter y compris en justice contre toute forme de pollution. »
Quelques dates :
2007: Règlement de l’UE imposant l’élaboration d’un plan de gestion à long terme aux Etats portant sur les causes de mortalité de l’anguille et de la civelle.
2009: Plan de gestion anguille autorisant la pêche seulement pour les pêcheurs professionnels assortie d’une obligation de traçabilité des captures.
2010: l’Union européenne interdit l’exportation de l’anguille
La civelle : une espèce protégée
La civelle, bébé de l’anguille, aussi surnommée « l’or blanc », rencontre de nombreux obstacles avant de devenir une anguille argentée lors de son périlleux voyage. Pour ne rien arranger, cette espèce, pourtant protégée par les textes, fait l’objet de convoitises. On note une augmentation importante du prix d’achat de la civelle vendue entre 250 et 500 euros le kg par les pêcheurs, prix qui attise l’intérêt des braconniers et une commercialisation illicite de grande envergure. Dans un rapport d’Europol portant sur la criminalité environnementale, le trafic de l’anguille européenne en Europe serait estimé à plusieurs milliards d’euros
Justice pour le Vivant : Nouvelle victoire historique pour la biodiversité
C’est une véritable révolution dans la lutte contre les pesticides : le 3 septembre 2025, la cour administrative d’appel (CAA) de Paris a enjoint à l’État de réformer ses protocoles d’évaluation et d’autorisation des pesticides, jugés défaillants, afin de les aligner sur les connaissances scientifiques actuelles.
Dans le cadre du dossier Justice pour le Vivant (JPLV), porté depuis 2022 par Notre Affaire à Tous, POLLINIS, Biodiversité sous nos pieds, ANPER-TOS et l’ASPAS, la CAA confirme la condamnation de l’État français pour sa responsabilité dans l’effondrement de la biodiversité. Dans un contexte marqué par l’adoption de la loi Duplomb, et ce malgré une mobilisation citoyenne massive, cette décision consacre une victoire majeure de la science et de toutes celles et ceux – victimes, associations et collectifs – qui alertent depuis des années sur la dangerosité des pesticides. Inédite à l’échelle européenne, elle pourrait désormais ouvrir la voie à des actions similaires dans d’autres pays membres de l’Union.
Deux ans après la première condamnation de l’État, le 29 juin 2023, pour sa responsabilité dans la contamination massive des écosystèmes par les pesticides, la cour administrative d’appel de Paris reconnaît à nouveau la « contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des eaux et des sols par les produits phytopharmaceutiques ».
Suivant les conclusions de la rapporteure publique, la cour ordonne à l’État d’actualiser les protocoles d’évaluation et d’autorisation des pesticides insuffisamment protecteurs du vivant, ainsi que de revoir les autorisations de mise sur le marché (AMM) actuellement en vigueur d’ici 24 mois, et pour lesquelles la méthodologie d’évaluation n’aurait pas été conforme aux exigences notamment du principe de précaution. Principe qui impose aux États membres de procéder à « une évaluation globale fondée sur les données scientifiques disponibles les plus fiables ainsi que les résultats les plus récents de la recherche internationale ». (§29 p.14) Elle enjoint également à l’État d’établir dans les six mois prochains un calendrier de révision des AMM concernées.
Concrètement, la cour reconnaît des failles dans la procédure d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché conduite par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) sous la responsabilité de l’État. Reconnaissant un lien de causalité direct entre les insuffisances de l’évaluation des risques et le déclin de la biodiversité, elle considère qu’il est établi qu’une actualisation des procédures à l’aune des connaissances scientifiques les plus récentes permettrait de réduire les impacts sur l’environnement des pesticides.
Pour les associations requérantes, cette décision est plus qu’historique:
« C’est une véritable révolution juridique et scientifique ! Dans un contexte d’attaques constantes contre l’environnement, et alors que le Parlement vient de voter la mortifère loi Duplomb, la justice réaffirme son rôle de contre-pouvoir en mettant un coup d’arrêt à la politique désastreuse de nos décideurs en la matière. C’est une décision qui va tout changer : dans les pratiques agricoles, les politiques publiques, et la façon dont l’État considère enfin la santé et l’environnement. Elle est le fruit d’un combat de longue haleine, porté par des scientifiques, des associations, des citoyens et citoyennes mobilisé·e·s partout en France — une véritable victoire collective qui s’inscrit dans un large mouvement militant. Le gouvernement doit désormais tout mettre en œuvre pour respecter cette décision de justice. Il en va de la sauvegarde de la biodiversité, de la santé publique, mais aussi du principe même d’État de droit. »
Nous appelons l’État, désormais condamné à deux reprises, à ne pas se pourvoir en cassation et à respecter enfin cette décision de justice. S’il décidait malgré tout de poursuivre la procédure, ce serait malheureusement l’ultime preuve que l’État est prêt à tout pour continuer à protéger les intérêts des industriels de l’agrochimie, malgré leurs impacts désastreux sur l’ensemble du vivant. Ce choix irait une fois de plus à l’encontre de l’intérêt général et de la volonté largement exprimée par les citoyen·ne·s, qui attendent une politique réellement ambitieuse de réduction de l’usage des pesticides les plus dangereux.
Nous nous tenons à la disposition du gouvernement afin de l’accompagner dans la mise en œuvre de cette décision de justice. Des premières mesures concrètes peuvent être immédiatement déployées, notamment :
Actualiser les procédures d’évaluation des risques des pesticides en les mettant en conformité avec les protocoles scientifiques de l’EFSA de 2013 ;
Renforcer l’indépendance de l’Anses en lui confiant davantage de moyens humains et financiers ;
Réévaluer les autorisations de mise sur le marché des fongicides SDHI et des insecticides et herbicides dont les dangers pour la biodiversité et l’humain sont documentés.
Harles bièvres – une nouvelle menace pour nos salmonidés
Famille de Harles Bièvres en action de pêche sur la Haute-Loue, Vuillafans – Juillet 2024
Depuis quelques temps, les habitués des rivières Comtoises ont pu observer une augmentation importante du nombre de Harles Bièvres (mergus merganser), augmentation par ailleurs confirmée par les comptages officiels (voir Figure 1). Cette espèce allochtone (non originaire de France) de la famille des Anatidés (canards, oies, cygnes…) a un régime alimentaire principalement piscivore, essentiellement composé de poissons juvéniles ou de petite taille, mais les adultes sont capables d’ingurgiter des prises jusqu’à 30-40cm.
Or les populations de salmonidés de nos rivières Comtoises sont déjà au plus mal suite à des mortalités récurrentes depuis les années 2009-2010, et une dégradation de la qualité des eaux et du milieu aquatique en général. Ainsi le consensus scientifique estime qu’en moyenne les potentiels piscicoles sont réduits de 50 à 80% suivant les secteurs, et les pêches d’inventaire confirment cette estimation sur des rivières emblématiques comme la Loue, le Doubs franco-suisse, le Dessoubre ou le Cusancin.
Il est donc bien légitime de s’interroger sur l’impact de la prédation du Harle Bièvre sur les populations de poissons de nos rivières, et il se trouve que nous avons des éléments de réponse sur le sujet. Un même secteur de la rivière Albarine a fait l’objet d’une pêche électrique « par points » en 2020 et 2024 dans le cadre du réseau de suivi piscicole effectuées par l’OFB. Les deux pêches ont été réalisées dans des conditions similaires, alors que les Harles ont fait leur apparition pendant cette période. Ce secteur de rivière est parfaitement fonctionnel, et n’a subi aucune pollution ou autre assèchement qui pourrait justifier l’écroulement des populations de poissons. Les résultats sont éloquents, les effectifs en chabots, vairons et truites fario sont en moyenne divisés par 3… Et le nombre de truites fario de taille inférieure à 25cm, les géniteurs des prochaines années, a été divisé par presque 5!!! (voir Figure 2).
De nombreuses observations et analyses concordantes ont été faites en France et à l’étranger, et confirment l’impact énorme de la prédation du Harle Bièvre sur les populations de poissons, et notamment de salmonidés.
Le fait que cette espèce d’oiseau allochtone continue de bénéficier d’un statut d’espèce protégée au niveau Français et Européen, alors même qu’elle contribue à la dégradation de l’état de conservation d’espèces de poissons protégées, interroge… Si on fait le parallèle avec le frelon asiatique, grand prédateur d’abeilles domestiques, le sujet fait beaucoup moins débat et personne ne vient mettre en cause son classement en espèce invasive!!!