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Catégorie : Commission migrateurs

Saumon Breton 

Une mesure d’urgence… insuffisante

Nous avions bien entendu listé les menaces existentielles qui continuent de peser sur l’avenir de l’espèce et contre lesquelles l’État en dépit des belles paroles ne semble pas disposer à lutter efficacement. Un rétablissement urgent des conditions de migration est urgent, en particulier sur les rivières canalisées et dont l’utilisation en tant que telle est dérisoire alors que les conséquences sur les écosystèmes sont éminemment néfastes. Ailleurs de multiples petits seuils continuent d’entraver le parcours des poissons. Nous nous réjouissons d’ailleurs qu’après des années de bataille judiciaire et administrative le seuil du Moulin marchand sur le Léguer a enfin été arasé en juin dernier.

D’autre part les nuisances d’origine agricole persistent, et comme le faisait remarquer un environnementaliste, la fréquence des accidents est telle qu’il s’agit plus de négligence et de désinvolture. Il n’est pas normal non plus de voir les porcheries continuer à s’agrandir, générant toujours plus de rejets, outre les incidences à portée plus large voire mondiale, le soja nourrissant les porcs participant à la déforestation en Amérique du Sud, et au changement climatique dont pâtit le saumon.

Nous avions demandé au Préfet, en attendant des mesures fortes de préservation et de restauration des milieux d’eau douce, de sauver ce qui pouvait encore l’être et donc que le moindre saumon qui réussissait à rejoindre les zones de frayères fut à tout prix épargné et donc d’interdire tout prélèvement de l’espèce. Il est vraisemblable que la pêche aux lignes n’a eu par le passé qu’un impact limitant dans la survenue de la situation actuelle. Voire ? Prélever à outrance les saumons de printemps n’a peut-être pas été si anodin que ça sur le long terme… Il n’empêche c’est une question de responsabilité individuelle et collective au vu de la situation…

Le Scorff

Le Comité de Gestion des Poissons Migrateurs (COGEPOMI), placé sous l’autorité du préfet de Région, s’est réuni le 15 novembre et a décidé de ne pas ouvrir la pêche aux lignes du saumon en 2025, les participants exhortant également l’administration à renforcer sa politique de préservation des milieux avant qu’il ne soit définitivement trop tard. L’arrêt de cette pêche est une bonne et une mauvaise nouvelle.

Bonne parce qu’enfin on va laisser en paix les quelques poissons qui pourraient encore assurer l’avenir, et tant pis pour le loisir pêche que nous avons longtemps exhorté à prendre ses responsabilités, ne serait-ce qu’en pratiquant une pêche responsable, prohibant les hameçons triples et les appâts naturels (pêches « à avaler »), interdisant la capture des saumons de printemps, à l’instar de ce qui se pratique en Irlande, un tiers des rivières y sont en no kill, mouche ou leurre seulement sans hameçon triple, un autre tiers sont fermées, un autre tiers sont ouvertes avec des quotas strict et revus chaque année comme ici ;

Salmon and Sea Trout Angling Regulations 2024

ou en Écosse (il est interdit de garder les femelles, les appâts naturels sont très largement prohibés, exemple la Spey).

  • Mauvaise parce que bien évidemment il est acté que les stocks sont dans un état de conservation très défavorable, mauvaise parce que les pêcheurs sont pénalisés, mauvaise parce que si le saumon disparaît cela laissera le champ libre à l’agro-industrie et aux microcentrales, ce contre quoi beaucoup d’associations de pêche bretonnes sont très engagées.
  • Mauvaise aussi car le nouveau modèle de gestion RENOSAUM n’a pas su prévoir cette situation, au contraire il continuait d’attribuer des TAC. Cela le remet complètement en cause, il faut revoir l’approche et notamment pouvoir connaître en temps réel l’état des remontées avant d’autoriser toute pêche ou prélèvement. Or il n’y a que trois rivières équipées compteurs en Bretagne…

Néanmoins vu l’urgence cette décision s’imposait. Nous regrettons vivement que nos suggestions n’aient pas été prises en considérations plus tôt, nos contacts avec Bretagne Grand Migrateurs et l’OFB local remontant à 2016 et déjà nous pointions du doigt les failles du système et nous réclamions un arrêt des prélèvements de poissons de printemps, a minima. Il aurait été possible de préserver le loisir pêche encore à cette époque, en engageant une mutation profonde, en privilégiant uniquement les leurres et la mouches avec hameçon simple sans ardillon et en pêchant en no kill uniquement. Nous nous étions vus opposés des fins de non-recevoir successives, aussi butées que condescendantes. Il est même navrant de voir aujourd’hui certains acteurs qui il y a quelques années balayaient nos demandes d’un revers de main tenter d’obtenir désespérément un maintien de la pêche en no kill…

Poutès, et autres nouvelles du saumon…

Le 19 août 2019, ANPER TOS déposait auprès du tribunal administratif de Clermont-Ferrand un recours en annulation de l’arrêté préfectoral du Préfet de Haute Loire autorisant la reconfiguration du barrage de Poutès.

Barrage de Poutès – crédit photo Logrami

Nous remettions en cause cette reconfiguration qui allait à l’encontre des mesures nécessaires au rétablissement d’une population viable de saumon sur l’Allier, sachant que depuis 1943 l’ouvrage bloquait l’accès à 120 km des meilleures frayères et zones de grossissement. Nous avions fait valoir, connaissances et expertises scientifiques à l’appui, que ce barrage même aménagé n’avait pas lieu d’être. Les lecteurs se souviendront notamment du fameux rapport produit à la demande de l’État par Monsieur Philippart de l’Université de Liège, qui préconisait son arasement.

Depuis de l’eau a coulé dans l’Allier et EDF a construit sa défense, à laquelle il a fallu répliquer. Nonobstant la procédure en cours, les travaux ont commencé, se traduisant dès la vidange au printemps 2019 par une pollution majeure aux sédiments fins qui a anéanti la vie piscicole sur 10km, et ce quoiqu’EDF nous ait fait milles promesses de ce que l’opération serait sans conséquence. ANPER TOS et sa partenaire dans le dossier Nature Haute Loire ont donc lancé une procédure pénale qui devait finalement déboucher sur une CJIP (Convention Judiciaire d’intérêt Public) pour compenser les dégâts…

On notera d’ailleurs qu’EDF avait proposé de réparer en ne procédant qu’à un rempoissonnement. Notre position sur ce point et quant au saumon est connue : c’est aussi inutile que potentiellement dangereux pour les populations sauvages, là aussi la littérature scientifique est très éclairante. Quant aux autres espèces, EDF aurait été bien en peine de fournir des poissons qui ne sont pas produits en pisciculture et présents dans les inventaires piscicoles, vandoise, barbeau, ombre ligérien ou toxostome par exemple, et pour certains protégés totalement ou partiellement…A l‘heure où nous écrivons, EDF n’a toujours pas donné suite à la CJIP initiée par le procureur du Puy en Velay en mai 2022.

« ANPER TOS a de nouveau porté plainte« 

En décembre 2022, la retenue a été mise en eau. Nouvelle déconvenue, la retenue prévue pour faire 450m de long selon le cahier des charges autorisé par arrêté du Préfet de Haute Loire mesure 1350m. Le sort s’acharne dès lors sur les saumons qui ont franchi l’ouvrage puisqu’une frayère creusée dans le lit amont de l’ancienne retenue se retrouve ennoyée. L’eau ne circulant plus entre les galets formant le nid, la précieuse ponte a été perdue. ANPER TOS a de nouveau porté plainte.

Ce 27 juin 2024, le tribunal de Clermont Ferrand nous a débouté sur le dossier administratif, presque cinq ans après avoir déposé le dossier. Il n’a pas été possible pour nous de laisser tomber le saumon de l’Allier et le Conseil d’Administration a validé en août 2024 un appel de cette décision auprès de la Cour Administrative d’Appel de Lyon.

La situation interpelle et nous attriste vivement. Entretemps, en partenariat avec d’autres associations (APS, ERN, FNE AURA, FNBE Allier, FRANE, AAPPBLB) ANPER a également contesté le projet de mise en œuvre d’une microcentrale au droit du barrage de Vichy, c’est dire si l’État fait peu de cas du saumon de l’Allier dont seulement 62 valeureux individus ont été comptés cette année aux passes de Vichy.

Les résultats Outre-Manche ont été globalement mauvais, à part pour les castillons dans le nord-ouest de l’Écosse.

En Bretagne, sur le Scorff, un seul poisson de printemps a été comptabilisé et seulement quarante-cinq castillons, sur l’Elorn on a compté soixante-douze poissons en tout et pour tout.

Saumon du Gave d ‘Oloron

Quant aux Gaves, les remontées atteignent à peine la moitié de la valeur moyenne de ces dernières années …

La situation devient réellement tendue et pénible. Il est difficile de garder un quelconque optimisme et nous dénonçons ici le total désintérêt de L’État et des collectivités pour préserver le saumon et nos rivières, sacrifiés sur les autels de l’agro-industrie et de la production d’hydroélectricité à tout prix.

Pourtant, avec un peu de bonne volonté cet État si défaillant est capable de prendre ici et là les dispositions qui s’imposent et nous saluons l’arasement du seuil du Moulin-Marchand sur le Léguer effectué d’office en juin dernier après des années de procédures et de mises en demeure de rétablir la libre circulation piscicole. Le Conseil d’État n’a pas cillé et, par son arbitrage, a donné enfin l’impulsion nécessaire à l’arasement de ce seuil.

 Mais à quand la libération des filets de l’Adour, puis de la bande côtière ? A quand un franchissement libre de Vichy sur l’Allier ?

Raphaël AMAT  administrateur ANPER TOS

Décision sur le sujet du Grand Cormoran

GRAND CORMORAN, le CONSEIL D’ÉTAT donne RAISON à ANPER TOS, la FDAAPPMA de l’Ain et les 9 AAPPMA du Doubs.

ANPER TOS s’était portée en intervention volontaire pour soutenir la requête de ses partenaires en Conseil d’État afin d’obtenir une reprise de la protection des espèces sensibles contre la prédation par le grand cormoran.

Nous avons parfaitement conscience que cette prédation n’est pas la cause première de l’effondrement des populations de salmonidés mais face aux problèmes subis par les cours d’eaux et mettant en causes les pollutions diverses, les aménagements outranciers, les prélèvements en eau excessifs et le réchauffement climatique, la prédation du grand cormoran est en passe de devenir le clou dans le cercueil pour des espèces fragiles, portées sur la liste rouge de l’Union Internationale de Conservation de la Nature alors que le cormoran prolifère.
En se basant sur des études scientifiques sérieuses, que la défense n’a pu contredire, les requérantes ont pu convaincre les juges qui ont donc donné suite en enjoignant les ministres de l’Agriculture et de l’Environnement de fixer des plafonds départementaux de quotas de destruction du grand cormoran.

On notera que les juges ont précisément apporté une attention particulière au statut vulnérable du brochet et de l’ombre commun et à celui quasi menacé du saumon atlantique.

Bien entendu ce n’est qu’une partie de la solution et notre objectif reste seulement d’éloigner les oiseaux des cours d’eau où ils n’ont rien à faire, où ils étaient inconnus il y a encore 2 décennies.

Pour prendre connaissance du jugement du Conseil d’état du 08 juillet 2024.

Journée des Migrateurs 2024

Le 25 mai, c’est la journée Mondiale des Poissons Migrateurs…

A célébrer tant qu’il en reste encore !

Relâche d’un Saumon

Par un manque de vision globale des décideurs, d’un laxisme récurrent, lâche et coupable des administrations que ce soit au niveau National ou International en charge des différents aspects de leur protection et gestion, et d’une priorisation à court terme d’intérêts privés, qu’il s’agisse d’agriculture comme l’hydro-électricité ou de la pêche professionnelle.
La France abrite des espèces amphihalines comme le Saumon atlantique, la Truite de mer, la Lamproie marine et la Lamproie fluviatile, la grande Alose, l’Alose feinte et l’Alose du Rhône, l’Anguille mais aussi l’Eperlan, le Flet et le Mulet porc.

L’année 2023 s’est achevée avec le déclassement par l’Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN) du saumon atlantique.

Son statut a été révisé et il est désormais « quasi menacé » ce qui n’est évidemment pas une bonne nouvelle : sa population a été divisée par deux entre 1983 et 2016, et de 23 % entre 2016 et 2021. L’espèce est bien entendu dans un état de conservation encore plus défavorable au niveau français, les populations de l’Allier étant classées « vulnérables ». On doit craindre hélas une disparition à très court terme de cette espèce emblématique sur cet axe, et on sait où sont les priorités :
La micro centrale de Langeac tourne désormais à pleine capacité et la justice administrative procrastine sur les dossiers de:

Nos collègues de l’Association Protectrice du Saumon ont beau faire remonter régulièrement la présence d’obstructions majeures dans les passes à poissons ou au droit des ouvrages en Haute Loire, Lozère, Cantal, l’administration est bien peu pressée de mettre les propriétaires en demeure…

La politique d’empoissonnement menée à grands frais et à grand battage médiatique n’aura servi qu’à masquer cette incurie et in fine y aura largement participé. A côté de çela, les chiffres des remontées sont dramatiquement bas : 57 saumons sur l’axe Loire Allier au 02 mai, dont 51 à Vichy, 5 à St Pourçain et 1 à Roanne. Gageons que les forts niveaux de ce printemps qui ont laissé les clapets de Vichy ouverts ont peut-être permis de laisser passer plus de poissons… La situation sur les Gaves n’est guère plus brillante puisqu’au total moins d’une cinquantaine d’individus a été recensée aux points de contrôle de Masseys et Castetarbe.


Les mauvais esprits diront que c’est peut-être voulu, que la fin du saumon permettra aux hydroélectriciens et irrigants de disposer de la rivière comme ils l’entendent. C’est pourtant ce qui est en train de se passer sur la Garonne, où l’effort de réimplantation va être définitivement stoppé à l’horizon 2025! Il faut dire qu’au-delà de quelques aménagements notoires comme la rivière de contournement de Malause près de Golfech, rien n’aura été fait de sérieux pour permettre un accès réel aux excellentes aires de production de la Neste ou de la Pique.

« En attendant, il se murmure que les projets d’aménagements sont prêts à être dégainés dès que la rivière sera déclassée  migrateurs . »

Le Saumon reste l’exemple emblématique et est d’une importance capitale car c’est une espèce parapluie. La bonne santé de ses populations implique celle de l’ensemble de l’écosystème… Pour autant il partage ses difficultés avec les espèces commensales.

L’UICN estime que sur les 80 espèces métropolitaines de poissons d’eau douce, 15 sont menacées de disparition et 39 % sont menacées ou quasi menacées car toutes subissent les mêmes pressions liées à la dégradation de leur habitat, désormais combinée au réchauffement global.


Les pressions exercées par la pêche professionnelle comme de loisir ne sauraient donc être laissées de côté. S’il est certain que dans le cadre de populations bien portantes une partie des poissons,  déterminée scientifiquement, pourrait être exploitée, dès lors que la situation devient critique ces prélèvements doivent être abolis. Comment l’État peut-il encore les justifier ? L’anguille et la grande alose sont en « danger critique » d’extinction et on continue de les commercialiser. Les indices d’abondance des juvéniles de saumons se sont effondrés en Bretagne, où même le Léguer, encore meilleure rivière bretonne il y a peu a vu ceux-ci quasiment absents lors des pêches d’échantillonnage de l’automne 2023 !Pour autant, le projet RENOSAUM destiné à optimiser la gestion et la conservation est resté libre d’interprétation et, faute de volonté, continue de favoriser des prélèvements aussi égoïstes qu’irresponsables des pêcheurs aux lignes pourtant en charge de la gestion et de la protection de l’espèce. Et quid du rapport de l’OFB paru en septembre 2023 qualifiant l’impact des captures accidentelles de saumon aux embouchures de la Loire et de la Garonne comme « avéré » sur la démographie ?

Raphaël AMAT Secrétaire général

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