Retour en arrière pour les projets restaurant les milieux aquatiques.
Selon le code de l’environnement, toutes les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) qui impactent l’eau sont soumis à une réglementation spécifique. Qui dit réglementation dit forcément procédures administratives. Tous les projets qui touchent l’eau sont donc classés en deux catégories de procédures, en fonction des risques qu’ils induisent pour la santé et la sécurité publiques, et le risque d’accroissement d’inondation.
Il existe deux régimes pour les IOTA : ceux qui impactent le plus la ressource en eau et qui menacent le plus la santé, la sécurité, et le risque d’inondation, sont soumis à une demande d’autorisation. Cette autorisation est une procédure assez lourde, qui demande étude d’impact, évaluation environnementale, enquête publique c’est-à-dire des analyses poussées qui peuvent prendre du temps et nécessiter des sommes d’argent importantes. Pour ceux qui impactent moins, il va s’agir d’une unique déclaration à la préfecture du projet en question.
Avec l’intention de simplifier les procédures pour les projets favorables à la protection des milieux aquatiques, le gouvernement avait modifié la réglementation afin que les projets qui restauraient les fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques soient automatiquement soumis à déclaration, et non à autorisation. Cela encourageait les projets en faveur du renouvellement de la biodiversité et du rétablissement de la continuité écologique dans les bassins hydrographiques. Mais le lobby des ‘’Amis des moulins’’ et de la micro-hydroélectricité, que dérange l’obligation d’avoir à respecter des devoirs pourtant aussi anciens que les moulins eux-mêmes, a instrumentalisé les parlementaires afin que la situation de non-droit dans laquelle se trouvent un grand nombre de moulins puisse perdurer. Et la présentation devant le Conseil d’État a été particulièrement orientée.
Le gouvernement avait listé les projets pouvant être définis comme « restaurant les fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques ». Cette liste est très exhaustive, et concerne une grande diversité de projets.
Sont concernés par exemple : l’arasement ou le dérasement d’ouvrage en lit mineur, le désendiguement, le déplacement du lit mineur pour améliorer la fonctionnalité du cours d’eau ou rétablissement du cours d’eau dans son lit d’origine, la restauration des zones humides, la revégétalisation des berges, la recharge sédimentaire du lit mineur, la restauration des zones naturelles d’expansion des crues… ainsi que toutes les opérations de restauration citées dans les documents de planification de l’eau (SDAGE, SAGE, Site Natura 2000, charte de parc naturel régional et national, conservatoire d’espace naturel, plan de gestion des risques et inondations) ou prévues par le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres.
Dans son arrêt du 31 octobre 2022, le Conseil d’État est revenu sur cette simplification, et l’a annulée. Pour lui, certains des travaux sont susceptibles, « par nature », de présenter de dangers pour la sécurité publique ou le risque d’inondation.
Tous les projets ayant pour objet de restaurer les milieux aquatiques seront donc de nouveau, à partir du 1er mars 2023, soumis à autorisation.
La conséquence directe de cette décision est un retour en arrière sérieux sur la facilité de réalisation des projets restaurant la biodiversité. Là où une déclaration permettait une procédure simple et rapide, une demande d’autorisation est si lourde et lente qu’elle peut être décourageante pour les porteurs de projets. Elle risque aussi d’encombrer les instances de l’État, préfectures à travers les CODERST (1), OFB, DREAL.
En réalité le Conseil d’Etat priorise ici les enjeux de sécurité réels ou imaginaires sur les enjeux environnementaux.
Peut-être que cet arbitrage vient d’un manque de clarté de l’arrêté listant les travaux concernés, et du fait d’avoir voulu mettre dans le même sac tous les projets de restauration, leurs conséquences pour la sécurité publique réelle important moins que des risques imaginaires (on doute, par exemple, sérieusement de la dangerosité de la revégétalisation d’une berge …).
On pourrait donc imaginer un travail de catégorisation des projets restaurant les milieux aquatiques en fonction de leurs risques, afin que ceux plus accessibles, comme la revégétalisation des berges ou bien la restauration de zones humides, bénéficient de nouveau d’une procédure de simple déclaration. La balle est dans le camp du ministère.
Le décret instituant la simplification :
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042070963
L’arrêté listant les projets de restauration des fonctionnalités naturelle des milieux aquatiques concernés :
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFARTI000042071217
La décision du Conseil d’État :
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046527695