Le Comté est l’appellation d’origine d’un fromage français transformé principalement en Franche-Comté et bénéficiant d’une AOC depuis 1958 et d’une AOP depuis 1996.
Son aire de production s’étend dans les départements du Jura, du Doubs et l’est de l’Ain
Le succès commercial de ce fromage a entraîné une augmentation importante de sa production (de 43 000 tonnes en 1998 à 67 000 tonnes en 2018, soit + 55 %). Les pratiques agricoles en ont été radicalement transformées, et ont conduit à une dégradation continue de la qualité des eaux des rivières comtoises. Les ex-plus belles rivières d’Europe souffrent d’eutrophisation, les substrats sont étouffés par des algues filamenteuses, les populations d’insectes aquatiques se sont effondrées, les biocénoses (poissons y compris) ne sont plus que l’ombre (!) de ce qu’elles étaient.
Comment a-t-on pu en arriver là ?
Comment ce qui contribuait à la richesse d’un pays a-t-il conduit à son appauvrissement ?
Dans un premier temps, le prix du lait (le prix payé aux producteurs) grimpe. Ceux-ci, sous la houlette des chambres d’agriculture et du CIGC (Comité interprofessionnel de Gestion du Comté) désirent augmenter leur production pour augmenter leur chiffre d’affaires. Pour faire du Comté, il faut de l’herbe et des vaches.
Pour produire plus d’herbe, il faut intensifier les rendements : donc on mécanise, on laboure, on plante de l’herbe à plus haut rendement comme les ray-grass, et on fertilise. On augmente également les surfaces cultivées, en supprimant les autres cultures, en mécanisant la production et notamment le fauchage, ce qui nécessite de supprimer les haies, d’araser les murgers, de passer le casse-cailloux sur les zones où les terres sont trop peu profondes…
Pour produire plus de lait, on sélectionne les vaches sur leurs capacités laitières, on augmente le nombre de bêtes à l’hectare, on importe des régions céréalières voisines les compléments alimentaires qui étaient produits auparavant dans la zone comté.
Les paysans investissent, faisant le bonheur des banques, des vendeurs de matériels, de tracteurs, de hangars…
Les exploitations évoluent de l’élevage sur paille vers des élevages sur lisier. Les quantités à évacuer sont alors de plus en plus importantes. Les épandages se font sur les terrains qui se saturent en azote. L’excédent d’azote se retrouve mécaniquement dans les rivières par le lessivage des sols.
Malgré les protestations vigoureuses des associations et notamment de ANPER, du collectif SOS LRC, de FNE, de la Cpepesc…, malgré les manifestations organisées, malgré la saisine des instances administratives, force est de constater que la politique productiviste continue d’être le moteur du CIGC, soutenu par la FNSEA et les chambres d’agriculture, et bénéficie de la bienveillance de l’État et des Départements.
Les mêmes dérives productivistes menacent les autres zones d’AOP, comme l’Auvergne (St Nectaire) ou les Causses (Roquefort), ainsi que les Pyrénées où l’augmentation des surfaces de pacage ne cessent d’empiéter sur les territoires de l’Ours.