« Plus il y a de volailles, plus l’établissement est soumis à des normes environnementales strictes, notamment en matière de prélèvements d’eau. »
Certains ont été mis sous le feu des médias et d’autres sont passés inaperçus. En tout cas, entre 2017 et 2020, nous avons recensé la création de 17 poulaillers (volailles « de chair » ou « pondeuses ») sur le territoire français. Ils sont considérés comme étant des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) à partir de 5 000 volailles. A partir du moment où ils sont définis comme étant des ICPE, ils doivent suivre et respecter certaines normes environnementales.
Il existe trois « échelons » d’obligations pour les ICPE. Plus il y a de volailles, plus l’établissement est soumis à des normes environnementales strictes, notamment en matière de prélèvements d’eau. Les poulaillers industriels sont répartis comme suit :
Sur le papier cette distinction est louable mais, la réalité est toute autre.
Par exemple, sur les 17 poulaillers que nous avons recensés, sept (environ 41%) ont déclaré élever 39 999 volailles … La différence entre 39 999 et 40 000 volailles est futile et l’impact sur l’environnement sera très similaire si ce n’est identique.
Par contre, les obligations en matière environnementale seront très différentes. En effet, comme vous pouvez le voir dans le tableau ci-dessus, un poulailler de plus de 40 000 emplacements passe du régime de Déclaration à celui d’Autorisation et cela a de lourdes conséquences pour la personne concernée. L’Autorisation implique, entre autres, de faire :
- Une étude d’impact (notamment sur les ressources en eau) et son résumé non-technique
- Une étude de dangers et son résumé non-technique
Deux études qui ne sont pas demandées pour un poulailler de 39 999 volailles puisque celui-ci sera soumis au régime de Déclaration.
Aux failles de ce système juridique s’ajoute, depuis plusieurs années en France, la sécheresse. Les étés deviennent de plus en plus rudes pour les cours d’eau et autres milieux aquatiques induisant également des conséquences pour la biodiversité qui y vit.
Pour essayer de lutter contre cela, tous les ans, des mesures locales sont adoptées pour réguler l’utilisation de l’eau sur un territoire déterminé avec d’autres mesures déjà présentes qui constituent la politique de l’eau (SDAGE et SAGE) locale. Elles ont pour objectif de gérer au mieux et le plus équitablement possible la ressource en eau sur un territoire et une période déterminée.
Les effets de la sécheresse sont particulièrement importants dans le département de Côte d’Or (21). Cette année par exemple, un communiqué de presse de la préfecture annonçait le 21 août 2020 que « La situation de sécheresse subie par la Côte-d’Or depuis ce mois de juin s’est sensiblement aggravée. » et la carte ci-dessous fait état de la situation. Les poulaillers industriels qui émergent, comme tout autre ICPE, devrait faire l’objet d’une étude approfondie de leurs impacts sur l’environnement et, notamment, sur les ressources en eau qu’ils utilisent.
Malgré cette situation critique et les obligations environnementales mises en place pour y remédier, ANPER a reçu plusieurs messages d’alerte ou demandes d’aide de la part de particuliers dont les intérêts personnels ou les intérêts généraux semblent être mis de côté … Plusieurs poulaillers ont fait l’objet de controverses. Parmi les raisons qui nous ont été rapportées par des adhérents, nous trouvons :
- La construction prématurée du poulailler : celui-ci se construit avant la fin de l’enquête publique donc, avant d’être autorisé ;
- La proximité du poulailler avec des habitations de riverains qui ont lutté pendant la durée de l’enquête publique pour que le poulailler ne se fasse pas à cet endroit.
ATTENTION nous rappelons ici que le délai pour s’exprimer dans ce type de cas n’est que de deux mois ! Vous aurez beau vous exprimer après, vos remarques ne seront pas prises en compte. N’hésitez pas, c’est votre droit ! ;
- L’impact du poulailler sur le milieu naturel et/ou les espèces animales ou végétales qui vivent à proximité. La quantité d’eau nécessaire pour un poulailler rassemblant entre 30 000 et 40 000 volailles est importante, en particulier lorsque les poulaillers se multiplient, comme c’est le cas en Côte d’Or et qu’il s’agit d’un territoire qui subit la sécheresse pendant presque la moitié de l’année. Ces prélèvements peuvent avoir des répercussions sur le milieu (assèchement) et/ou sur les espèces animales et végétales (destruction d’habitats).
- Le manque d’eau subit par des riverains et devenu récurrent depuis l’installation d’un poulailler. Face à cela, aucune réponse n’est apportée par l’administration …
Mais sous couvert de délais de prescriptions dépassés (En savoir plus ), de soutien par les pouvoirs publics ( En savoir plus), de dossier d’enregistrement déjà accepté et de travaux déjà effectués, les poulaillers industriels semblent intouchables en Côte d’Or.
Face à cela, les principes et fondements de l’agroécologie ont disparu. Le Gouvernement français dit pourtant vouloir mettre en avant ces pratiques plus respectueuses de l’environnement et des ressources ( lire aussi )mais jusqu’ici, il semble avant tout encourager les exploitations industriels qui ne sont certainement pas la solution aux problématiques actuelles ; qu’elles soient sociologiques, économiques ou environnementales.