Bouton adhésion
Bouton récolteur
Bouton mécénat

Catégorie : Bourgogne-Franche-Comté

GROUPE LOCAL Bourgogne Franche Comté:

Christel Bulthé

Vous souhaitez les contacter:

Icone contact

Une petite histoire d’Anguille..

C’était l’occasion d’une matelote, ou mieux d’une pôchouse : récompense gastronomique d’un plat emblématique de Verdun sur le Doubs.
Ce plat réunit l’anguille et la tanche deux poissons gras avec le  brochet et la perche deux poissons à chair maigre.  On peut y ajouter de la carpe, mais tous présentés en morceaux charnus découpés et cuits dans une sauce au vin du Jura. Il y a fort longtemps, c’était le menu des pêcheurs (les pôcheurs ) et des radeliers qui  descendaient les radeaux de bois des forêts jurassiennes vers Lyon pour la charpente et la menuiserie.

En Franche Comté, jusque dans les années 1950, les pêcheurs amateurs qui pratiquaient dans le Doubs et la Saône capturaient des anguilles de façon régulière.

Photo provenant du site de DORIS
réf. Biblio. N°2
JP Hérold, co-auteur des fiches spécifiques.

Une méthode de pêche consistait à poser au fond de la rivière un appât, gros ver ou petit poisson mort, au crépuscule, sachant que l’anguille est lucifuge et active la nuit.

Il fallait patience,  persévérance  et connaissance des sites fréquentés par cette espèce pour capturer quelques beaux spécimens pouvant dépasser un mètre de long.

Cinquante ans plus tard : plus d’anguilles dans nos rivières !

L’espèce est même inscrite sur la liste rouge de l’UICN, Union internationale pour la conservation de la nature, dans la catégorie  «  en danger critique d’extinction « 

Alors, pourquoi ?  Que s’est-il passé ?

Une des raisons de ce déclin réside dans la fermeture des voies de migrations.

En effet l’anguille est un migrateur amphihalin thalassotoque ! en clair : la reproduction se déroule en mer et sa croissance en eau douce, donc d’un milieu à l’autre elle se déplace de la mer des Sargasses, site probable de ponte, vers les côtes de l’Europe soit atlantique , soit méditerranéenne .

Pour arriver en Franche Comté elle remontait le Rhône ; mais à présent la route est coupée par des barrages gigantesques comme celui de Donzère-Mondragon : construit en 1952, il est infranchissable !

Sur les sites de la façade atlantique les barrages de filets aux embouchures des fleuves et les pêches des alevins en migration, les civelles, sont pour des pêcheurs plus ou moins professionnels de revenus notables. Le kilogramme de civelle est vendu une petite fortune, près de 1000 euros à des restaurateurs du sud-ouest et aussi de l’Espagne.

Un plat traditionnel, nous dit-on, mais qui provoque la chute des populations : autant de juvéniles qui ne se déplaceront plus vers les rivières, les étangs et les marais de l’Hexagone pour y prospérer pendant dix à quinze ans.

Donc dans les zones humides et les rivières de l’est de la France : plus d’anguilles !

Reste le marais poitevin ou l’étang de Thau où la pêche est encore pratiquée  ….

Or le sujet principal de la récente réunion des ministres européens de la pêche à Bruxelles portait sur le devenir de l’anguille européenne (Anguilla anguilla, Linnaeus, 1758).

Et malgré la proposition des ONG qui demandaient de cesser complètement la pêche, demande relayée par la Commission européenne, la décision est tombée le 13 décembre 2022 au petit matin, après deux jours et une nuit de négociation : le communiqué de presse ministériel précise :

«  Le secrétariat d’Etat à la mer s’est opposé aux solutions proposées par la Commission européenne, même s’il partage le constat des scientifiques sur l’état très dégradé des populations d’anguilles »  

Il accepte donc de maintenir une activité de pêche adaptée à chaque bassin.

Pour les ONG et les scientifiques les dérogations obtenues viennent annihiler toute protection. Or en 50 ans l’espèce a connu un véritable effondrement avec une baisse de 95% de ses populations. Sans mesures plus strictes leur sort pourrait être scellé.

Fini la pôchouse, adieu l’anguille, foin de la biodiversité !

Qu’en dit la COP 15 réunie à Montréal (Canada)  en ce mois de décembre 2022, d’autres sujets encore plus urgents sont à l’ordre du jour, les discussions s’éternisent sur la protection des milieux, et donc la biodiversité attendra ! Même si tout est lié !

JP Hérold, biologiste.

Des références : 

  •  Les Poissons d’eau douce de France. 2011, P. Keith, H. Persat, E.Feunteun, J. Allardi. Publication du Museum d’Histoire Naturelle de Paris, Biotope Edition. 552p.
  • La vie en eau douce 2012. JP. Corolla, M. Kupfer, G. Rochefort, S. Sohier,  DORIS, Edition Neptune Plongée, 415p.

Déclin de l’entomofaune aquatique

Une biodiversité en péril dans les rivières karstiques

M. Hivet et JP. Hérold

Les mortalités récurrentes de poissons , spécialement des salmonidés, observées dans les rivières de Franche-Comté depuis des années ont alerté les media. Articles et photos font les grands titres de la presse régionale.

 Aussi spectaculaires soient-elles, elles ne sont que la conséquence la plus visible d’une grave détérioration du milieu aquatique dont le premier signe a été l’appauvrissement de l’entomofaune aquatique.

Cette dérive se manifeste par la disparition de certaines espèces (perte de diversité) et par un effondrement des populations d’insectes restants (perte d’abondance).

Cette évolution est dénoncée depuis longtemps : publications scientifiques, articles dans la revue nationale de l’ Association de protection des eaux et des rivières ANPER-TOS, informations sur les sites pilotés par l’Agence de l’eau et ses relais, l’EPAGE  établissement public d’aménagement et de gestion des eaux,  CLE commission locale de l’eau ,  et aux services de l’Etat , DREAL, DDT, DDAS, OFB et aussi de la Région BFC, et des départements de l’arc jurassien. Pourtant la préfecture du Doubs, après avoir été amenée à interdire la baignade et la consommation des poissons en raison de la prolifération des cyanobactéries et des mortalités de poissons, osait encore écrire :

 La Loue reste une  « rivière de qualité » en s’appuyant  sur des valeurs d’IBGN, l’Indice Biologique Global Normalisé qui permet de caractériser l’état écologique d’une rivière en se basant sur l’entomofaune présente.

C’est une méthode standardisée utilisée en hydrobiologie qui apporte des informations de bioévaluation environnementale. Cependant cet indice  ne rend pas compte, ou fort imparfaitement, de la dégradation du milieu aquatique.

 On essaie de  faire dire à l’IBGN ce qu’il ne peut pas dire , et il sert alors d’alibi à ceux qui veulent nier, grâce à lui, une réalité patente.

Sans faire une critique complète de cet indice, on peut remarquer une dérive des référentiels et  une certaine légèreté dans le choix de la famille comme taxon servant à définir les Groupes Faunistiques Indicateurs (GFI). Leur polluosensibilté est très variable à l’intérieur d’une famille et même d’un genre. Seule l’espèce pourrait être signifiante.

 En outre l’abondance d’un taxon n’intervient que fort peu dans sa validation comme GFI. Pour des espèces comme celles citées ici, autrefois extrêmement abondantes, ce n’est qu’au voisinage immédiat de l’extinction que leur déclin pourrait être pris en compte par l’IBGN. Enfin la quantité d’insectes produits sur une portion de rivière est directement fonction de la surface susceptible d’être colonisée par ceux-ci. Le recouvrement de la majeure partie du lit de la rivière par des algues qui n’y proliféraient pas il y a 30 ans suffirait à expliquer la baisse des effectifs d’insectes vivant sur les pierres et les sédiments du fond ou sur les Fontinalis, bryophytes elles-mêmes affectées par la prolifération algale. Mais d’autres facteurs sont à prendre en compte.

Il ne suffit pas de dire que les taux de nitrates et phosphates respectent des normes quand on constate que le milieu naturel ne les supporte pas.
Il faut avoir le courage de les remettre en cause et rechercher tous les moyens de les réduire.

PRÉSENCE DE LAMPROIE DANS LES RIVIÈRES COMTOISES

Un article de Jean-Pierre HEROLD

– Suite et appel à recherches –

Sa présence dans les eaux des cours d’eau têtes de bassin en Franche Comté est prouvée par des observations publiées dans plusieurs revues scientifiques, mais la situation évolue vers une régression des populations depuis deux décennies.

Les secteurs qui hébergent encore cette espèce deviennent rares : donc nous faisons appel aux naturalistes, pêcheurs et à tous ceux qui fréquenteront les rivières comtoise en 2022 pour contribuer à une mise à jour de cette cartographie.

Ouvrez l’œil et retournez là ou vous avez souvenir d’avoir vu des lamproies !

Lamproie de Planer - crédit Photo ANPER TOS
Lamproie de Planer © ANPER TOS

Cherchez des nids dans les graviers ou des individus morts après la reproduction ce qui est la règle suite à la ponte de plusieurs milliers d’œufs. Elle a lieu entre mars et mai selon la température de l’eau, soit entre 8° et 11°.

Pour vous guider vers les bons spots voici les résultats de présences signalées par des naturalistes ou des pêcheurs pour les années 1990 à 2020.

DANS LE DÉPARTEMENT DU DOUBS

  • LA LOUE : à Cléron en 2007
  • Vuillafans en 2017 et 2019
  • LE LISON : amont en 2010 : à Nans sous Sainte Anne.
  • LE DESSOUBRE : en 2020 à Vauclusotte et Moulin du bas.
  • LE CUSANCIN : Pont les Moulins (pas de dates)
  • LE DOUBS : amont de Goumois pêche électrique 2020 : 9 lamproies soit 0,08 Kg

DANS LE DÉPARTEMENT DE HAUTE SAÖNE

  • L’OGNON : les Aynans en 1990, puis Belonchamp en 2013
  • LA REIGNE : avant les pollutions graves !
  • LE DURGEON : il y a plus de 10 ans !
  • L’OUGEOTTE : secteur de Jussey ( pas de dates )
  • LA LANTERNE : amont de Lantenot pas de dates)
  • LE BEULETIN : Esmoulières en 2019
  • LE CONEY : secteur de Corre en 2010 …

NB : d’autres rivières sous-vosgiennes ont hébergé la petite lamproie, mais les sécheresses et les étiages de 2003, puis 2018, 2019 et 2020 ont été préjudiciables pour l’espèce. On ignore la situation actuelle.

DANS LE DÉPARTEMENT DU JURA

  • LA CLAUGE : la Loye en 2019 en forêt de Chaux
  • LES DOULONNES : Plumont 2019
  • L’AIN : en 2018 à Marigny et Doucier
  • LA SEILLE : amont en 2000 mais pas d’observations après !
  • LA CUISANCE : présence ancienne en amont, avant 2000
  • LA VALOUSE : une information ancienne avant 2000

NOTEZ LES LIEUX, LES DATES et faites passer l’info à :

jpmhd@noos.fr

C’est important pour préciser l’état et l’évolution des populations et donc des rivières ! C’est une espèce indicatrice de la qualité des milieux et de l’eau.

La Franche Comté, franchement victime de son comté

Le Comté est l’appellation d’origine d’un fromage français transformé principalement en Franche-Comté et bénéficiant d’une AOC depuis 1958 et d’une AOP depuis 1996.
Son aire de production s’étend dans les départements du Jura, du Doubs et l’est de l’Ain

Le succès commercial de ce fromage a entraîné une augmentation importante de sa production (de 43 000 tonnes en 1998 à 67 000 tonnes en 2018, soit + 55 %). Les pratiques agricoles en ont été radicalement transformées, et ont conduit à une dégradation continue de la qualité des eaux des rivières comtoises. Les ex-plus belles rivières d’Europe souffrent d’eutrophisation, les substrats sont étouffés par des algues filamenteuses, les populations d’insectes aquatiques se sont effondrées, les biocénoses (poissons y compris) ne sont plus que l’ombre (!) de ce qu’elles étaient.

Comment a-t-on pu en arriver là ?
Comment ce qui contribuait à la richesse d’un pays a-t-il conduit à son appauvrissement ?

Dans un premier temps, le prix du lait (le prix payé aux producteurs) grimpe. Ceux-ci, sous la houlette des chambres d’agriculture et du CIGC (Comité interprofessionnel de Gestion du Comté) désirent augmenter leur production pour augmenter leur chiffre d’affaires. Pour faire du Comté, il faut de l’herbe et des vaches.

Pour produire plus d’herbe, il faut intensifier les rendements : donc on mécanise, on laboure, on plante de l’herbe à plus haut rendement comme les ray-grass, et on fertilise. On augmente également les surfaces cultivées, en supprimant les autres cultures, en mécanisant  la production et notamment le fauchage, ce qui nécessite de supprimer les haies, d’araser les murgers, de passer le casse-cailloux sur les zones où les terres sont trop peu profondes…

Pour produire plus de lait, on sélectionne les vaches sur leurs capacités laitières, on augmente le nombre de bêtes à l’hectare, on importe des régions céréalières voisines les compléments alimentaires qui étaient produits auparavant dans la zone comté.

Les paysans investissent, faisant le bonheur des banques, des vendeurs de matériels, de tracteurs, de hangars…

Les exploitations évoluent de l’élevage sur paille vers des élevages sur lisier. Les quantités à évacuer sont alors de plus en plus importantes. Les épandages se font sur les terrains qui se saturent en azote. L’excédent d’azote se retrouve mécaniquement dans les rivières par le lessivage des sols.

Malgré les protestations vigoureuses des associations et notamment de ANPER, du collectif SOS LRC, de FNE, de la Cpepesc…, malgré  les manifestations organisées, malgré la saisine des instances administratives, force est de constater que la politique productiviste continue d’être le moteur du CIGC, soutenu par la FNSEA et les chambres d’agriculture, et bénéficie de la bienveillance de l’État et des Départements.

Les mêmes dérives productivistes menacent les autres zones d’AOP, comme l’Auvergne (St Nectaire) ou les Causses (Roquefort), ainsi que les Pyrénées où l’augmentation des surfaces de pacage ne cessent d’empiéter sur les territoires de l’Ours.