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Catégorie : Bourgogne-Franche-Comté

GROUPE LOCAL Bourgogne Franche Comté:

Christel Bulthé

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Déclin de l’entomofaune aquatique

Une biodiversité en péril dans les rivières karstiques

M. Hivet et JP. Hérold

Les mortalités récurrentes de poissons , spécialement des salmonidés, observées dans les rivières de Franche-Comté depuis des années ont alerté les media. Articles et photos font les grands titres de la presse régionale.

 Aussi spectaculaires soient-elles, elles ne sont que la conséquence la plus visible d’une grave détérioration du milieu aquatique dont le premier signe a été l’appauvrissement de l’entomofaune aquatique.

Cette dérive se manifeste par la disparition de certaines espèces (perte de diversité) et par un effondrement des populations d’insectes restants (perte d’abondance).

Cette évolution est dénoncée depuis longtemps : publications scientifiques, articles dans la revue nationale de l’ Association de protection des eaux et des rivières ANPER-TOS, informations sur les sites pilotés par l’Agence de l’eau et ses relais, l’EPAGE  établissement public d’aménagement et de gestion des eaux,  CLE commission locale de l’eau ,  et aux services de l’Etat , DREAL, DDT, DDAS, OFB et aussi de la Région BFC, et des départements de l’arc jurassien. Pourtant la préfecture du Doubs, après avoir été amenée à interdire la baignade et la consommation des poissons en raison de la prolifération des cyanobactéries et des mortalités de poissons, osait encore écrire :

 La Loue reste une  « rivière de qualité » en s’appuyant  sur des valeurs d’IBGN, l’Indice Biologique Global Normalisé qui permet de caractériser l’état écologique d’une rivière en se basant sur l’entomofaune présente.

C’est une méthode standardisée utilisée en hydrobiologie qui apporte des informations de bioévaluation environnementale. Cependant cet indice  ne rend pas compte, ou fort imparfaitement, de la dégradation du milieu aquatique.

 On essaie de  faire dire à l’IBGN ce qu’il ne peut pas dire , et il sert alors d’alibi à ceux qui veulent nier, grâce à lui, une réalité patente.

Sans faire une critique complète de cet indice, on peut remarquer une dérive des référentiels et  une certaine légèreté dans le choix de la famille comme taxon servant à définir les Groupes Faunistiques Indicateurs (GFI). Leur polluosensibilté est très variable à l’intérieur d’une famille et même d’un genre. Seule l’espèce pourrait être signifiante.

 En outre l’abondance d’un taxon n’intervient que fort peu dans sa validation comme GFI. Pour des espèces comme celles citées ici, autrefois extrêmement abondantes, ce n’est qu’au voisinage immédiat de l’extinction que leur déclin pourrait être pris en compte par l’IBGN. Enfin la quantité d’insectes produits sur une portion de rivière est directement fonction de la surface susceptible d’être colonisée par ceux-ci. Le recouvrement de la majeure partie du lit de la rivière par des algues qui n’y proliféraient pas il y a 30 ans suffirait à expliquer la baisse des effectifs d’insectes vivant sur les pierres et les sédiments du fond ou sur les Fontinalis, bryophytes elles-mêmes affectées par la prolifération algale. Mais d’autres facteurs sont à prendre en compte.

Il ne suffit pas de dire que les taux de nitrates et phosphates respectent des normes quand on constate que le milieu naturel ne les supporte pas.
Il faut avoir le courage de les remettre en cause et rechercher tous les moyens de les réduire.

PRÉSENCE DE LAMPROIE DANS LES RIVIÈRES COMTOISES

Un article de Jean-Pierre HEROLD

– Suite et appel à recherches –

Sa présence dans les eaux des cours d’eau têtes de bassin en Franche Comté est prouvée par des observations publiées dans plusieurs revues scientifiques, mais la situation évolue vers une régression des populations depuis deux décennies.

Les secteurs qui hébergent encore cette espèce deviennent rares : donc nous faisons appel aux naturalistes, pêcheurs et à tous ceux qui fréquenteront les rivières comtoise en 2022 pour contribuer à une mise à jour de cette cartographie.

Ouvrez l’œil et retournez là ou vous avez souvenir d’avoir vu des lamproies !

Lamproie de Planer - crédit Photo ANPER TOS
Lamproie de Planer © ANPER TOS

Cherchez des nids dans les graviers ou des individus morts après la reproduction ce qui est la règle suite à la ponte de plusieurs milliers d’œufs. Elle a lieu entre mars et mai selon la température de l’eau, soit entre 8° et 11°.

Pour vous guider vers les bons spots voici les résultats de présences signalées par des naturalistes ou des pêcheurs pour les années 1990 à 2020.

DANS LE DÉPARTEMENT DU DOUBS

  • LA LOUE : à Cléron en 2007
  • Vuillafans en 2017 et 2019
  • LE LISON : amont en 2010 : à Nans sous Sainte Anne.
  • LE DESSOUBRE : en 2020 à Vauclusotte et Moulin du bas.
  • LE CUSANCIN : Pont les Moulins (pas de dates)
  • LE DOUBS : amont de Goumois pêche électrique 2020 : 9 lamproies soit 0,08 Kg

DANS LE DÉPARTEMENT DE HAUTE SAÖNE

  • L’OGNON : les Aynans en 1990, puis Belonchamp en 2013
  • LA REIGNE : avant les pollutions graves !
  • LE DURGEON : il y a plus de 10 ans !
  • L’OUGEOTTE : secteur de Jussey ( pas de dates )
  • LA LANTERNE : amont de Lantenot pas de dates)
  • LE BEULETIN : Esmoulières en 2019
  • LE CONEY : secteur de Corre en 2010 …

NB : d’autres rivières sous-vosgiennes ont hébergé la petite lamproie, mais les sécheresses et les étiages de 2003, puis 2018, 2019 et 2020 ont été préjudiciables pour l’espèce. On ignore la situation actuelle.

DANS LE DÉPARTEMENT DU JURA

  • LA CLAUGE : la Loye en 2019 en forêt de Chaux
  • LES DOULONNES : Plumont 2019
  • L’AIN : en 2018 à Marigny et Doucier
  • LA SEILLE : amont en 2000 mais pas d’observations après !
  • LA CUISANCE : présence ancienne en amont, avant 2000
  • LA VALOUSE : une information ancienne avant 2000

NOTEZ LES LIEUX, LES DATES et faites passer l’info à :

jpmhd@noos.fr

C’est important pour préciser l’état et l’évolution des populations et donc des rivières ! C’est une espèce indicatrice de la qualité des milieux et de l’eau.

La Franche Comté, franchement victime de son comté

Le Comté est l’appellation d’origine d’un fromage français transformé principalement en Franche-Comté et bénéficiant d’une AOC depuis 1958 et d’une AOP depuis 1996.
Son aire de production s’étend dans les départements du Jura, du Doubs et l’est de l’Ain

Le succès commercial de ce fromage a entraîné une augmentation importante de sa production (de 43 000 tonnes en 1998 à 67 000 tonnes en 2018, soit + 55 %). Les pratiques agricoles en ont été radicalement transformées, et ont conduit à une dégradation continue de la qualité des eaux des rivières comtoises. Les ex-plus belles rivières d’Europe souffrent d’eutrophisation, les substrats sont étouffés par des algues filamenteuses, les populations d’insectes aquatiques se sont effondrées, les biocénoses (poissons y compris) ne sont plus que l’ombre (!) de ce qu’elles étaient.

Comment a-t-on pu en arriver là ?
Comment ce qui contribuait à la richesse d’un pays a-t-il conduit à son appauvrissement ?

Dans un premier temps, le prix du lait (le prix payé aux producteurs) grimpe. Ceux-ci, sous la houlette des chambres d’agriculture et du CIGC (Comité interprofessionnel de Gestion du Comté) désirent augmenter leur production pour augmenter leur chiffre d’affaires. Pour faire du Comté, il faut de l’herbe et des vaches.

Pour produire plus d’herbe, il faut intensifier les rendements : donc on mécanise, on laboure, on plante de l’herbe à plus haut rendement comme les ray-grass, et on fertilise. On augmente également les surfaces cultivées, en supprimant les autres cultures, en mécanisant  la production et notamment le fauchage, ce qui nécessite de supprimer les haies, d’araser les murgers, de passer le casse-cailloux sur les zones où les terres sont trop peu profondes…

Pour produire plus de lait, on sélectionne les vaches sur leurs capacités laitières, on augmente le nombre de bêtes à l’hectare, on importe des régions céréalières voisines les compléments alimentaires qui étaient produits auparavant dans la zone comté.

Les paysans investissent, faisant le bonheur des banques, des vendeurs de matériels, de tracteurs, de hangars…

Les exploitations évoluent de l’élevage sur paille vers des élevages sur lisier. Les quantités à évacuer sont alors de plus en plus importantes. Les épandages se font sur les terrains qui se saturent en azote. L’excédent d’azote se retrouve mécaniquement dans les rivières par le lessivage des sols.

Malgré les protestations vigoureuses des associations et notamment de ANPER, du collectif SOS LRC, de FNE, de la Cpepesc…, malgré  les manifestations organisées, malgré la saisine des instances administratives, force est de constater que la politique productiviste continue d’être le moteur du CIGC, soutenu par la FNSEA et les chambres d’agriculture, et bénéficie de la bienveillance de l’État et des Départements.

Les mêmes dérives productivistes menacent les autres zones d’AOP, comme l’Auvergne (St Nectaire) ou les Causses (Roquefort), ainsi que les Pyrénées où l’augmentation des surfaces de pacage ne cessent d’empiéter sur les territoires de l’Ours.

Poules de luxe en Côte d’Or

« Plus il y a de volailles, plus l’établissement est soumis à des normes environnementales strictes, notamment en matière de prélèvements d’eau. »

Poulailler industriel
Crédit photo: Pixabay/Capri23auto

Certains ont été mis sous le feu des médias et d’autres sont passés inaperçus. En tout cas, entre 2017 et 2020, nous avons recensé la création de 17 poulaillers (volailles « de chair » ou « pondeuses ») sur le territoire français. Ils sont considérés comme étant des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) à partir de 5 000 volailles. A partir du moment où ils sont définis comme étant des ICPE, ils doivent suivre et respecter certaines normes environnementales.

Il existe trois « échelons » d’obligations pour les ICPE. Plus il y a de volailles, plus l’établissement est soumis à des normes environnementales strictes, notamment en matière de prélèvements d’eau. Les poulaillers industriels sont répartis comme suit :

Annexe (3) à l 'article R511-9 du code de l'Environnement : Nomenclature des ICPE et taxes générales sur les activités polluantes

Annexe (3) à l ‘article R511-9 du code de l’Environnement : Nomenclature des ICPE et taxes générales sur les activités polluantes

Sur le papier cette distinction est louable mais, la réalité est toute autre.
Par exemple, sur les 17 poulaillers que nous avons recensés, sept (environ 41%) ont déclaré élever 39 999 volailles … La différence entre 39 999 et 40 000 volailles est futile et l’impact sur l’environnement sera très similaire si ce n’est identique.
Par contre, les obligations en matière environnementale seront très différentes. En effet, comme vous pouvez le voir dans le tableau ci-dessus, un poulailler de plus de 40 000 emplacements passe du régime de Déclaration à celui d’Autorisation et cela a de lourdes conséquences pour la personne concernée. L’Autorisation implique, entre autres, de faire :

  • Une étude d’impact (notamment sur les ressources en eau) et son résumé non-technique
  • Une étude de dangers et son résumé non-technique

Deux études qui ne sont pas demandées pour un poulailler de 39 999 volailles puisque celui-ci sera soumis au régime de Déclaration.

Aux failles de ce système juridique s’ajoute, depuis plusieurs années en France, la sécheresse. Les étés deviennent de plus en plus rudes pour les cours d’eau et autres milieux aquatiques induisant également des conséquences pour la biodiversité qui y vit.

Pour essayer de lutter contre cela, tous les ans, des mesures locales sont adoptées pour réguler l’utilisation de l’eau sur un territoire déterminé avec d’autres mesures déjà présentes qui constituent la politique de l’eau (SDAGE et SAGE) locale. Elles ont pour objectif de gérer au mieux et le plus équitablement possible la ressource en eau sur un territoire et une période déterminée.

Les effets de la sécheresse sont particulièrement importants dans le département de Côte d’Or (21). Cette année par exemple, un communiqué de presse de la préfecture annonçait le 21 août 2020 que « La situation de sécheresse subie par la Côte-d’Or depuis ce mois de juin s’est sensiblement aggravée. » et la carte ci-dessous fait état de la situation. Les poulaillers industriels qui émergent, comme tout autre ICPE, devrait faire l’objet d’une étude approfondie de leurs impacts sur l’environnement et, notamment, sur les ressources en eau qu’ils utilisent.

Malgré cette situation critique et les obligations environnementales mises en place pour y remédier, ANPER a reçu plusieurs messages d’alerte ou demandes d’aide de la part de particuliers dont les intérêts personnels ou les intérêts généraux semblent être mis de côté … Plusieurs poulaillers ont fait l’objet de controverses. Parmi les raisons qui nous ont été rapportées par des adhérents, nous trouvons :

  • La construction prématurée du poulailler : celui-ci se construit avant la fin de l’enquête publique donc, avant d’être autorisé ;
  •  La proximité du poulailler avec des habitations de riverains qui ont lutté pendant la durée de l’enquête publique pour que le poulailler ne se fasse pas à cet endroit.
    ATTENTION nous rappelons ici que le délai pour s’exprimer dans ce type de cas n’est que de deux mois ! Vous aurez beau vous exprimer après, vos remarques ne seront pas prises en compte. N’hésitez pas, c’est votre droit ! ;
  •  L’impact du poulailler sur le milieu naturel et/ou les espèces animales ou végétales qui vivent à proximité. La quantité d’eau nécessaire pour un poulailler rassemblant entre 30 000 et 40 000 volailles est importante, en particulier lorsque les poulaillers se multiplient, comme c’est le cas en Côte d’Or et qu’il s’agit d’un territoire qui subit la sécheresse pendant presque la moitié de l’année. Ces prélèvements peuvent avoir des répercussions sur le milieu (assèchement) et/ou sur les espèces animales et végétales (destruction d’habitats).
  •  Le manque d’eau subit par des riverains et devenu récurrent depuis l’installation d’un poulailler. Face à cela, aucune réponse n’est apportée par l’administration …

Mais sous couvert de délais de prescriptions dépassés (En savoir plus ), de soutien par les pouvoirs publics ( En savoir plus), de dossier d’enregistrement déjà accepté et de travaux déjà effectués, les poulaillers industriels semblent intouchables en Côte d’Or.

Face à cela, les principes et fondements de l’agroécologie ont disparu. Le Gouvernement français dit pourtant vouloir mettre en avant ces pratiques plus respectueuses de l’environnement et des ressources ( lire aussi )mais jusqu’ici, il semble avant tout encourager les exploitations industriels qui ne sont certainement pas la solution aux problématiques actuelles ; qu’elles soient sociologiques, économiques ou environnementales.