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Catégorie : Agriculture

Crise Agricole

ANPER appelle à des pratiques environnementalement et socialement durables

Le mouvement initié par les agriculteurs français semble appelé à des soubresauts continuels tant il s’inscrit dans la suite des précédents et dans un modèle voué à l’impasse. Les revendications légitimes d’une partie de la profession qui n’arrive pas à vivre décemment de son métier ne sauraient cependant masquer les écarts entre les différentes catégories, entre ceux dont l’année se résume à trois saisons « moisson-mer-montagne » et ceux qui luttent pour leur survie, entre ceux qui sont aux mains de l’agro-industrie et de ses dérives mortifères, qui sont incapables d’imaginer un autre modèle que celui qui les a piégés, et ceux qui souhaitent voir évoluer leurs pratiques pour le bien-être de tous et afin d’en obtenir des revenus décents et stables.

Car c’est bien là que le bât blesse, la préservation de l’environnement a été désignée comme un bouc émissaire trop facile à cette crise interminable.

Le rétropédalage sur le « plan écophyto » (dont l’efficacité est de toute façon proche du néant puisque lancé en 2008 avec l’objectif de réduire de moitié l’usage des pesticides de synthèse sous dix ans, il n’a pas pu faire les preuves de son efficacité, ce que dénonce la Cour des Comptes dans un rapport de 2020 est très inquiétant pour l’avenir des populations d’insectes terrestres comme aquatiques.

Selon l’INRAE, 466 molécules actives sont actuellement utilisées en Europe dont 319 sont autorisées en France .

ANPER-TOS rappelle ici les risques pour la santé humaine que font peser tous ces produits et leurs métabolites, et leur persistance dans le temps. Les cartes d’accompagnement du document du SDAGE Loire Bretagne illustrent parfaitement la problématique des pollutions d’origine agricole dont les cartes se superposent parfaitement aux zones de grandes culture et d’élevage intensif. Les problématiques rencontrées en Franche-Comté sont elles aussi clairement d’origine agricole, le nier est impossible

Pourtant, dans son attendu du 29 juin 2023 le Tribunal administratif de Paris a déclaré l’État responsable de l’effondrement du vivant dans l’affaire « Justice pour le vivant » menée conjointement par ANPER TOS , et c’est bien sur le volet milieux aquatiques que les juges ont insisté. Or ce jugement faisait injonction à l’État de réviser les procédures d’évaluation des risques, la dangerosité des produits, de retirer du marché les produits les plus toxiques et de s’assurer qu’aucune molécule toxique pour le vivant ne fasse son entrée sur le marché. Effectivement, on marche sur la tête…

Entre autres revendications la profession agricole a également largement relayé ses inquiétudes quant à l’accès à l’irrigation… On aura ainsi pu entendre certains délégués souhaiter l’aménagement de lacs dans le midi, à l’instar de l’Espagne, afin d’assurer l’approvisionnement des cultures fruitières des Pyrénées Orientales et du Gard. Il faudra quand même nous expliquer comment remplir un lac quand il ne pleut pas, la région étant en déficit sévère depuis plus d’un an et demie selon Météo France.

En outre la politique espagnole a fait la preuve de son échec, la ville de Barcelone et sa région étant placées en « état d’urgence sécheresse » depuis le 02 février 2024.

Dans le même ordre d’idée, d’autres ont réclamé la construction de retenues de substitution (bassines) supplémentaires, La position d’ANPER est claire et rejoint celle des autres associations environnementales : cette solution n’est pas environnement-compatible, il s’agit clairement d’un accaparement d’une ressource commune, contre l’intérêt général.

C’est ici que nous devons nous aussi aborder la problématique des normes dénoncées par les agriculteurs. Ces normes, qui rappelons-le sont fixées par les utilisateurs pour les utilisateurs, sont d’abord des compromis, ce qui a in fine mené à notre action dans Justice pour le vivant, et les juges ont montré que ces compromis ne sont pas acceptables. Pourtant quand bien même ces normes sont insuffisantes elles ont un but protecteur et il s’agit de les faire respecter quelles qu’elles soient, sans regarder ailleurs ou chercher à casser le thermomètre pour faire baisser la température.

Aussi les propos des ministres vis-à-vis de l’Office Français de la Biodiversité sont totalement inacceptables et ANPER-TOS tient à exprimer sa solidarité envers le personnel de l’OFB dont les missions sont indispensables à la protection de notre cadre de vie et de notre patrimoine vivant.

Enfin, nous souhaitons rappeler que le nombre d’agriculteurs ne cesse de diminuer et que si la production s’en trouve concentrée, le phénomène de déprise rurale s’en trouve vicieusement renforcé : moins de paysans, c’est moins de familles rurales, ce sont des villages qui meurent…

On l’aura compris, il s’agit de nous nourrir certes, mais pas n’importe comment. Nos paysans sont indispensables, nombre d’entre eux font un travail dur et ingrat dont ils ne voient pas les fruits venir. Une refonte globale de la Politique Agricole Commune est donc plus que jamais nécessaire, le modèle est à transformer d’urgence, la fuite en avant productiviste nous menant dans une impasse humaine et environnementale.

Victoire pour le vivant!

Nous vous en parlions déjà en janvier 2022 dans cet article:

https://anper-tos.fr/justice-pour-le-vivant/,

en rejoignant le recours « Justice pour le vivant », nous avons travaillé pendant plusieurs mois aux côtés de Pollinis, Notre Affaire à tous, Biodiversité sous nos pieds et l’ASPAS pour tenter de faire reconnaître par la justice les carences de l’État en matière de gestion et d’autorisation des produits phytosanitaires ( lisez « pesticides ») sur notre territoire.

Finalement, le 29 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rendu son verdict : l’État est déclaré responsable de l’effondrement du vivant. La justice a admis ses insuffisances dans l’évaluation des risques liés aux pesticides.

Ainsi, à propos de l’eau, le tribunal conclut notamment qu’au vu des éléments apportés par les associations, « la présence de substances de synthèse liées à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques est la principale cause de détérioration de l’état chimique des eaux souterraines. ».

De plus, il rappelle que l’État n’a pas atteint les objectifs qu’il s’est fixés en matière de réduction de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques. Ainsi, il affirme et souligne le lien entre le préjudice écologique résultant de la contamination des eaux souterraines par ces substances actives et la carence fautive, l’inaction, de l’État à respecter ses objectifs.

Le juge conclura en enjoignant l’État « de prendre toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique et prévenir l’aggravation des dommages en rétablissant la cohérence du rythme de diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires avec la trajectoire prévue par les plans Ecophyto et en prenant toutes mesures utiles en vue de restaurer et protéger les eaux souterraines contre les incidences des produits phytopharmaceutiques et en particulier contre les risques de pollution. La réparation du préjudice devra être effective au 30 juin 2024, au plus tard. » Affaire à suivre donc …

Cette décision est historique et nous sommes extrêmement fiers d’y avoir contribué.

L’État doit maintenant prendre ses responsabilités et agir. Au programme pour lui :

  • la révision de la procédure d’évaluation des risques ;
  • la réévaluation de la dangerosité d’environ 3 000 produits phytopharmaceutiques homologués en France ;
  • le retrait du marché des substances problématiques ;
  • l’assurance que de nouvelles substances toxiques pour le vivant n’y fassent pas leur entrée.

Autrement dit, beaucoup de travail dans les mois à venir !

Vous pouvez lire le jugement dans son intégralité : ICI

Usages de l’EAU

EAU: Prélèvement, Utilisation, Consommation

Lorsque l’on parle de l’eau sur la Terre, il faut distinguer le « Grand Cycle », qui est lié à la circulation des masses d’eau sur terre, en mer et dans les airs, et le « Petit Cycle », qui est celui des usages humains, depuis les pompages jusqu’aux rejets dans le milieu après traitement. C’est pourquoi il faut dans ce domaine distinguer le prélèvement – ce qui est retiré du milieu naturel, l’utilisation – ce que l’on en fait, et la consommation – ce qui ne revient pas au lieu de prélèvement.

source CIEAU

Est considérée comme consommée l’eau qui ne rejoint pas le milieu là où elle a été prélevée. Selon les usages elle a été transformée en vapeur d’eau, ou absorbée. Elle n’a pas disparu mais ne se retrouve alors que fort loin de son lieu d’extraction, parfois d’un continent à l’autre, plus souvent encore dans les océans. Le problème, amplifié par le réchauffement climatique, vient de ce que les usages humains affectent les équilibres naturels. Bien sûr on objectera que le ‘’grand cycle’’ de l’eau a pour résultat que l’eau est toujours en quantité constante sur Terre. Mais les activités humaines, en perturbant le ‘’petit cycle’’, créent des déséquilibres au niveau local qui peuvent souvent aboutir à des problèmes sévères.

Est considérée comme utilisée l’eau qui a servi à un usage et dont la part non consommée a ensuite rejoint le milieu naturel soit directement, soit à travers un système d’assainissement.

Est considérée comme prélevée l’eau qui a été retirée du milieu naturel pour un usage, qu’il soit énergétique, industriel, agricole ou des usages domestiques. Ce prélèvement est quantifié en volume (compteurs d’eau) et fait l’objet d’une redevance de prélèvement.

Chez les usagers domestiques une part seulement de l’eau qui transite par nos robinets puis rejoint les stations de traitement est réellement ‘’consommée’’ – l’essentiel rejoint le circuit et au final le milieu naturel (voir tableau). La facture d’eau des usagers concerne en réalité l’eau utilisée depuis les circuits d’adduction et le terme de ‘’consommation’’ est donc impropre. Mieux vaudrait parler d’utilisation. On en déduira que vouloir ‘’économiser l’eau’’ pour les usages domestiques a du sens par rapport à notre facture d’eau et au ‘’petit cycle’ des prélèvements, de la potabilisation ou de l’épuration. Mais cela n’en a guère pour ce qui est des économies réelles en termes de ressource globale sur le ‘’grand cycle’’.

Et pour tous ceux qui pensent qu’il suffit de stocker l’eau pour résoudre le problème, il faut savoir que seule la pluviométrie permet d’avoir de l’eau. Quel que soit l’usage, on ne ‘’crée’’ pas de la ressource. On la prend.

QUELQUES CHIFFRES

Rivières Berrichonnes en souffrance

Entre richesse passée et agriculture industrielle, les rivières berrichonnes sont à la peine…

Fut un temps pas si lointain où les rivières du Berry regorgeaient de vie. Alimentées par des résurgences de la nappe jurassique, supportées par d’innombrables zones humides, ces cours d’eau de plaine abritaient une riche population mixte à forte tendance salmonicole. La Sauldre, la Nère, toujours classées en première catégorie couvraient un linéaire total de plusieurs centaines de kilomètres de ruisseaux de qualité courant à travers la Sologne, de même que l’Yèvre qui alimente Bourges et ses marais classés. Les truites y abondaient, tant en taille qu’en quantité, accompagnées de brochets, vairons, vandoises, chevesnes…

Puis est venu le remembrement, et au tournant des années 2000 l’irrigation massive s’est imposée, associée à l’empoisonnement massif aux pesticides et aux nitrates que relèvent le SDAGE Loire Bretagne et ses documents d’accompagnement.

Dès lors l’ensemble a périclité et quoiqu’on observe encore de grosses éclosions de mouches de mai et quoique la truite soit encore présente, il faut bien constater hélas que les pompages abusifs ont eu raison de ces biotopes exceptionnels : les sécheresses récurrentes ont bon dos dès lors que des millions de mètres cubes sont prélevés dans les nappes en été, accentuant de facto les effets des évolutions du climat. On notera que l’entièreté du bassin est classée en Zone de Répartition des Eaux, ce qui souligne le déséquilibre chronique en disponibilité de la ressource.

Les mesures prises par la préfecture du Cher se bornent donc à un encadrement réglementaire minimal prise dans une concertation déséquilibrée. Qu’on en juge, les seuil d’alerte de l’Ouatier et de l’Yèvre amont sont de l’ordre de quelques dizaines de litres par secondes, sans même tenir compte des températures. L’insuffisance des mesures ne permet donc pas d’éviter les assecs, comme en 2019 où la faune avait été anéantie, au mieux des élévations de températures mettant en péril la survie des populations de truite..

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