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Catégorie : Industrie

Pollution des rivières Franc-comtoises

Facteurs induisant le développement de Saprolégniose et mortalité des salmonidés

Introduction

«  En 2015, j’ai écrit un article qui impliquait l’épandage de lisier et la charge azotée en résultant, comme cause majeure du développement du champignon Saprolegnia parasitica chez la truite et l’ombre dans les rivières Loue, Doubs, Cusancin, et Dessoubre. Dix ans après, je souhaitais faire un point sur les données scientifiques nouvelles permettant de comprendre un peu mieux les causes d’infection par Saprolegnia parasitica, maladie fongique qui loin d’avoir diminuée continue de faire des ravages dans les rivières karstiques de Franche-Comté. »

Il est aujourd’hui établi que le développement de l’oomycète Saprolegnia parasitica est systématiquement associé à la mortalité des truites et ombres des rivières de Franche-Comté (par ex. Loue, Doubs, Cusancin, et Dessoubre). Ce champignon naturellement présent dans les cours d’eau attaque généralement des poissons affaiblis physiquement et immunologiquement. Ainsi, la fraie conduit à des abrasions de la peau favorisant l’infection fongique et entraine une baisse de l’immunité. Mais hélas en Franche-Comté, la mortalité se poursuit bien au-delà de cette période et des poissons malades peuvent être observés toute l’année avec toutefois, un pic entre janvier et avril. Plusieurs études ont été conduites visant à déterminer les causes de la dégradation écologique de la Loue et du Doubs. Les conclusions d’un travail important conduit par PM Badot et F Degiorgi (Université de Besançon) sur la Loue de 2012 à 2018 sont les suivantes :

« Les dysfonctionnements écologiques mis en évidence dans la Loue sont induits principalement par les causes suivantes:

  1. Les excès d’azote dans les milieux aquatiques et l’accroissement des teneurs en bicarbonates sont la conséquence de l’intensification des pratiques agricoles.
  2. Les contaminations multiples par des produits phytosanitaires, des biocides et les substances actives issues des médicaments vétérinaires sont elles aussi en partie liées à l’intensification de l’agriculture.
  3. Une part sans doute non négligeable de ces contaminations trouve aussi son origine au sein de la filière bois par le biais des traitements des grumes en forêt et en scierie, mais aussi dans les utilisations domestiques (insecticides en poudre, en aérosol, biocides en tout genre, produits de traitement des bois d’œuvre…).
  4. La collecte et le traitement des eaux usées ne sont pas impliqués au premier chef dans les contaminations azotées mais présentent des marges de progression pour réduire leurs contributions aux apports de substances toxiques et de bouffées de phosphore dans les cours d’eau.
  5. Une contamination par des concentrations parfois très élevées d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) lourds non solubles existe à l’échelle du bassin versant dans les différents types de prélèvements analysés et notamment dans les particules fines (sédiments et matières en suspension).
  6. La nature karstique du substratum et le positionnement en tête de bassin accroît la vulnérabilité des cours d’eau, vis à vis des contaminants chimiques qui peuvent être transférés des sols vers les eaux et transportés très rapidement au sein des masses d’eau.
  7. Les modifications physiques des cours d’eau et les altérations de la végétation de bordure – réduite et artificialisée – dégradent les habitats des poissons et des communautés vivant au fond et constituent des facteurs aggravants.

Selon PM Badot en 2020: « Les quantités d’effluents d’élevage épandus sur les prairies ont augmenté car la productivité du troupeau s’est améliorée : de 4000 kg/an de lait par vache en 1960 à 7000 kg/an au début des années 2000. Cela s’accompagne aussi d’un recours plus important aux engrais. Des épandages qui ne tiennent pas encore assez compte de la nature du sol. Quand il est superficiel, c’est-à-dire peu épais, ou quand la végétation, c’est à dire l’herbe n’est pas en croissance active pendant l’automne  et l’hiver, ces intrants ne sont pas assez assimilés et se retrouvent dans la rivière. D’où le constat d’un excès d’azote dans les milieux aquatiques, qui favorisent les croissances végétales dans la rivière. ». « La pratique revient à fertiliser, engraisser la rivière et pas la prairie ».

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Article de Didier PRUNEAU

Usages de l’EAU

EAU: Prélèvement, Utilisation, Consommation

Lorsque l’on parle de l’eau sur la Terre, il faut distinguer le « Grand Cycle », qui est lié à la circulation des masses d’eau sur terre, en mer et dans les airs, et le « Petit Cycle », qui est celui des usages humains, depuis les pompages jusqu’aux rejets dans le milieu après traitement. C’est pourquoi il faut dans ce domaine distinguer le prélèvement – ce qui est retiré du milieu naturel, l’utilisation – ce que l’on en fait, et la consommation – ce qui ne revient pas au lieu de prélèvement.

source CIEAU

Est considérée comme consommée l’eau qui ne rejoint pas le milieu là où elle a été prélevée. Selon les usages elle a été transformée en vapeur d’eau, ou absorbée. Elle n’a pas disparu mais ne se retrouve alors que fort loin de son lieu d’extraction, parfois d’un continent à l’autre, plus souvent encore dans les océans. Le problème, amplifié par le réchauffement climatique, vient de ce que les usages humains affectent les équilibres naturels. Bien sûr on objectera que le ‘’grand cycle’’ de l’eau a pour résultat que l’eau est toujours en quantité constante sur Terre. Mais les activités humaines, en perturbant le ‘’petit cycle’’, créent des déséquilibres au niveau local qui peuvent souvent aboutir à des problèmes sévères.

Est considérée comme utilisée l’eau qui a servi à un usage et dont la part non consommée a ensuite rejoint le milieu naturel soit directement, soit à travers un système d’assainissement.

Est considérée comme prélevée l’eau qui a été retirée du milieu naturel pour un usage, qu’il soit énergétique, industriel, agricole ou des usages domestiques. Ce prélèvement est quantifié en volume (compteurs d’eau) et fait l’objet d’une redevance de prélèvement.

Chez les usagers domestiques une part seulement de l’eau qui transite par nos robinets puis rejoint les stations de traitement est réellement ‘’consommée’’ – l’essentiel rejoint le circuit et au final le milieu naturel (voir tableau). La facture d’eau des usagers concerne en réalité l’eau utilisée depuis les circuits d’adduction et le terme de ‘’consommation’’ est donc impropre. Mieux vaudrait parler d’utilisation. On en déduira que vouloir ‘’économiser l’eau’’ pour les usages domestiques a du sens par rapport à notre facture d’eau et au ‘’petit cycle’ des prélèvements, de la potabilisation ou de l’épuration. Mais cela n’en a guère pour ce qui est des économies réelles en termes de ressource globale sur le ‘’grand cycle’’.

Et pour tous ceux qui pensent qu’il suffit de stocker l’eau pour résoudre le problème, il faut savoir que seule la pluviométrie permet d’avoir de l’eau. Quel que soit l’usage, on ne ‘’crée’’ pas de la ressource. On la prend.

QUELQUES CHIFFRES

Rivières Berrichonnes en souffrance

Entre richesse passée et agriculture industrielle, les rivières berrichonnes sont à la peine…

Fut un temps pas si lointain où les rivières du Berry regorgeaient de vie. Alimentées par des résurgences de la nappe jurassique, supportées par d’innombrables zones humides, ces cours d’eau de plaine abritaient une riche population mixte à forte tendance salmonicole. La Sauldre, la Nère, toujours classées en première catégorie couvraient un linéaire total de plusieurs centaines de kilomètres de ruisseaux de qualité courant à travers la Sologne, de même que l’Yèvre qui alimente Bourges et ses marais classés. Les truites y abondaient, tant en taille qu’en quantité, accompagnées de brochets, vairons, vandoises, chevesnes…

Puis est venu le remembrement, et au tournant des années 2000 l’irrigation massive s’est imposée, associée à l’empoisonnement massif aux pesticides et aux nitrates que relèvent le SDAGE Loire Bretagne et ses documents d’accompagnement.

Dès lors l’ensemble a périclité et quoiqu’on observe encore de grosses éclosions de mouches de mai et quoique la truite soit encore présente, il faut bien constater hélas que les pompages abusifs ont eu raison de ces biotopes exceptionnels : les sécheresses récurrentes ont bon dos dès lors que des millions de mètres cubes sont prélevés dans les nappes en été, accentuant de facto les effets des évolutions du climat. On notera que l’entièreté du bassin est classée en Zone de Répartition des Eaux, ce qui souligne le déséquilibre chronique en disponibilité de la ressource.

Les mesures prises par la préfecture du Cher se bornent donc à un encadrement réglementaire minimal prise dans une concertation déséquilibrée. Qu’on en juge, les seuil d’alerte de l’Ouatier et de l’Yèvre amont sont de l’ordre de quelques dizaines de litres par secondes, sans même tenir compte des températures. L’insuffisance des mesures ne permet donc pas d’éviter les assecs, comme en 2019 où la faune avait été anéantie, au mieux des élévations de températures mettant en péril la survie des populations de truite..

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ÉTAT D’URGENCE des rivières Franc-Comtoises

Association Nationale pour la Protection des Eaux et des Rivières

                       face au Plan rivières karstiques 2027

Les vagues successives de mortalités de poissons, comme la dernière en décembre 2022 sur le Doubs franco-suisse, et celle sur la Loue amont ce mois de février 2023,  ont sensibilisé de nouveau nos associations sur la dégradation globale de la qualité des rivières qui se poursuit depuis plusieurs décennies.

 Déjà le rapport de l’expertise mandatée par Mr le Préfet du Doubs à la suite des mortalités exceptionnelles observées fin 2009-début 2010 indiquait :

  « Trois communautés biologiques majeures (algues, macro-invertébrés benthiques et poissons) présentent un état dégradé qui se caractérise par une faible diversité et/ou par des abondances limitées en regard de ce que ce milieu devrait accueillir ».

Cette évolution inquiétante est dénoncée par l’Association Nationale de Protection des Eaux et des Rivières qui confirme l’effondrement des populations d’invertébrés aquatiques, et dénonce également la colonisation progressive des fonds par des algues filamenteuses issues de l’eutrophisation. Ce processus provoque une modification du milieu et des biocénoses, et donc altère gravement la qualité des rivières et leurs peuplements.

Le rapport des experts préconise bien sûr des études en vue de mieux maîtriser les flux de différents intrants afin de bien comprendre le phénomène. Ces études d’investigation et de suivi sont naturellement indispensables, mais elles ne doivent en aucun cas permettre des atermoiements qui retardent les mesures indispensables.

L’accélération récente de la dégradation des rivières, les mortalités de poissons plus fréquentes et la disparition progressive de nombreuses espèces comme les éphémères montrent l’urgence à agir.

Les pistes sont données par les experts :

« Globalement, il s’agit de diminuer le risque environnemental lié à toutes les activités humaines polluantes, qu’elles soient d’ordre agricole, sylvicole, urbaine ou industrielle ».

Un plan rivières karstiques 2027 est lancé :

ANPER  demande  que les pouvoirs publics, Préfectures, Régions et Départements, en liaison avec tous les partenaires de la société civile mettent en œuvre les moyens réglementaires, financiers, humains et techniques proposés ci-dessous, afin de rétablir  une situation satisfaisante de ses cours d’eau et aussi des annexes et nappes phréatiques.

Attendre 2027 pour prendre des mesures fortes est une erreur, car une démarche rapide permettra aussi la sécurisation des ressources en eau pour les populations : les difficultés de l’été 2022 sont encore dans toutes les mémoires.

 Les années qui viennent sont décisives, elles sont contraintes par la dérive climatique en cours. Il faut prendre conscience de l’urgence !